Garcinia cambogia - Utilisations et efficacité

La prévalence du surpoids et de l’obésité en Amérique du Nord a littéralement explosé ces dernières années, et les méthodes de contrôle du poids utilisées n’ont guère rencontré de succès. La science comme le grand public s’intéressent depuis des décennies aux moyens naturels ou artificiels pour perdre du poids, le plus récent d’entre eux étant la Garcinia cambogia (G. cambogia) et son extrait, l’acide (-)-hydroxycitrique (HCA). Ce dernier, tiré de plantes de la famille des Garcinia originaires du Sud de l’Asie, d’Inde et d’Afrique, est commercialisé, seul ou combiné à d’autres ingrédients, dans des centaines de produits. On suppose que l’efficacité du HCA comme agent amaigrissant vient à la fois de sa capacité à inhiber une enzyme responsable de la conversion des glucides en graisses, et de ses propriétés de coupe-faim, dues à l’augmentation dans le cerveau d’une hormone, la sérotonine (1). Que ces propriétés se vérifient ou non dans les essais cliniques sur l’homme, les compléments de HCA et G. cambogia sont devenus l'un des produits phares de l'industrie multimilliardaire de la perte de poids. G. cambogia est-elle la potion magique que nous attendons ? Jetons un œil sur les preuves scientifiques derrière ces allégations, et voyons si cette vogue a d’autres fondements que le service marketing du magicien.

Le contrôle du poids est, à juste titre, l’une de nos préoccupations les plus courantes concernant la santé. Surpoids et obésité sont en effet la cause sous-jacente de maladies comme le diabète, les troubles cardiaques, et même certains types de cancers. Le secteur de la santé naturelle a su intégrer cette tendance, au point que l’on trouve dans tous les magasins de compléments alimentaires un rayon dédié spécifiquement à la perte de poids. G. cambogia et HCA sont, depuis peu, disponibles sur le marché canadien et font partie de ces compléments, même si beaucoup d’entre eux étaient déjà accessibles aux États-Unis et sur Internet. On a réuni les preuves scientifiques des effets de G. cambogia et de HCA sur le contrôle du poids chez l’homme, les résultats des différentes études pouvant dépendre de l'extrait ou du produit utilisé, du type et de la durée de l'étude, des biais potentiels dus aux commanditaires, et autres facteurs de perturbation tels que les changements de régime alimentaire des participants. Plusieurs recensements sérieux concernant G. cambogia et la perte de poids ou de l’appétit font la synthèse de ces essais, le plus récent ayant été publié en 2013. Cette publication identifie cinq essais sur l’homme utilisant G. cambogia ou HCA, impliquant chacun plus de 20 participants en surpoids ou obèses, sur une durée minimale de 2 semaines, et répondant à un certain nombre d’autres critères. Bien que cinq essais puissent sembler peu, cette plante offre les résultats de recherche les plus disponibles parmi les compléments de contrôle naturel du poids les plus courants qui ont fait l’objet d’études. La plupart des essais ont examiné les effets à la fois sur l’appétit et sur le poids pendant la durée de l’étude, et un seul a rapporté un effet positif sur la régulation de l’appétit dans le groupe G. cambogia (2). Dans cette étude, les participants recevaient un complément de calcium-potassium à haute absorption contenant 2,8 g de HCA au moins 30 minutes avant les repas, pendant 8 semaines. La plupart des produits disponibles sur notre marché sont malheureusement à base de sel de calcium, ce qui diminue l’absorption du HCA, et donc probablement son efficacité. Deux de ces études ont également rapporté une baisse significative du poids au terme des essais, bien qu’elles n’aient pas indiqué le contenu en HCA de leurs compléments. L’une a administré 2,4 g de G. cambogia par jour pendant 12 semaines, alors que l’autre utilisait un mélange de G. cambogia, de caféine et d’éphédrine pendant 39 semaines. Il est difficile d’évaluer l’effet de G. cambogia quand elle est combinée à d’autres substances agissant sur le poids, comme dans cet essai. Un recensement précédent publié en 2011 et portant sur neuf essais, dont plusieurs recoupaient les résultats de celui de 2013, concluait que si G. cambogia avait un effet, ce n’était qu’à court terme, et de faible amplitude (3). D’autres études rigoureuses portant sur G. cambogia seule sont donc nécessaires pour établir son impact sur la perte de poids.

Un taux de cholestérol élevé est un signe clinique souvent associé au surpoids et à l’obésité, et est un important facteur prédictif de conséquences à long terme pour la santé, telles que l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral (AVC). Bien que des traitements efficaces soient commercialisés pour prévenir ces conséquences, de nombreuses personnes sont à la recherche de solutions alternatives en raison du risque d’effets secondaires, du coût, ou de choix personnels. L’intérêt pour l’utilisation de G. cambogia comme anti-cholestérol est actuellement en hausse dans le monde de la recherche, notamment en ce qui concerne l'effet potentiel du HCA sur la production de cholestérol. Le HCA semble agir en inhibant une enzyme appelée ATP citrate lyase, impliquée dans la production des acides gras (4). Un essai publié en 2014 a étudié l’effet de la prise de 2,4 g de G. cambogia (à 50% de HCA) avant les repas, pendant 60 jours, par 30 personnes en surpoids. Les auteurs rapportent que, bien que le traitement n’ait pas eu d’effet sur le LDL (le « mauvais » cholestérol) ni sur le HDL (le « bon » cholestérol), il a réduit le taux de triglycérides de 28%. Les triglycérides sont un type de graisses qui a été corrélé à l’augmentation du risque d’AVC (4). Un autre essai publié en 2008 a également examiné cet effet en administrant un mélange de G. cambogia (2,4 g, 52% de HCA) et d’un composé fibreux appelé le glucomannane à 32 personnes sur une période de 12 semaines. Les auteurs signalent une réduction du cholestérol total et du taux de LDL dans le groupe traité, bien qu’ils n’aient pas observé d’effet sur les triglycérides ni sur le poids (5). À nouveau, il est difficile d’isoler l’effet de G. cambogia de celui des ingrédients additionnels pouvant faire baisser le taux de cholestérol. Une troisième source déjà mentionnée a également mesuré plusieurs paramètres concernant le cholestérol lors d’un d’essai clinique de 8 semaines, rapportant une baisse importante du cholestérol total, du LDL et des triglycérides (2). Il est intéressant de noter que le HDL a augmenté dans le groupe traité, ce qui constitue un marqueur de réduction du risque cardiovasculaire. Bien que ces résultats semblent prometteurs, davantage d’études sur l’homme sont nécessaires pour tirer des conclusions sur l’effet de G. cambogia et du HCA sur le taux de cholestérol.

Plusieurs études ont également examiné la régulation glycémique comme conséquence d’un traitement à la G. cambogia ou au HCA, régulation importante pour la santé à long terme et le contrôle du poids. Les résultats ont malheureusement été moins prometteurs. Deux études déjà mentionnées ont mesuré respectivement la glycémie et le taux d’insuline lors des essais, sans trouver aucun changement significatif après les traitements (4,5). Fait intéressant, une étude additionnelle a été réalisée sur 8 sportifs de haut niveau, démontrant que 500 mg de HCA après l’exercice diminuaient la glycémie et favorisaient la récupération énergétique des tissus musculaires (9). Bien que cette petite étude puisse indiquer que le HCA a bien une certaine influence sur la régulation glycémique, il ne s’agit à l’évidence pas de conditions habituelles d’utilisation. G. cambogia a été présentée comme permettant de réduire la glycémie, peut-être sur la foi de résultats plus positifs sur des animaux, mais le manque évident de preuves cliniques à l’appui de cette utilisation rend discutable cet argument de vente. La glycémie est un paramètre important qu’il serait bon de mesurer dans les futurs essais de contrôle du poids par HCA, en particulier ceux qui incluent des exercices physiques.

Une considération importante dans la vente des compléments en vente libre est leur fiabilité pour le public. G. cambogia et son extrait HCA sont relativement nouveaux sur le marché de la supplémentation en Amérique du Nord, bien que son fruit soit utilisé depuis longtemps pour aromatiser certains plats dans les régions dont elle est originaire. Les essais cliniques sur G. cambogia n’ont mis en évidence aucun effet négatif notable et, qu’ils portent sur des animaux ou sur des hommes, ont démontré, à la dose raisonnable de 2,8 mg de HCA par jour, une relative fiabilité concernant la mortalité, la toxicité et l’état hépatique (6,7). Un essai clinique a toutefois signalé des effets secondaires gastro-intestinaux dans le groupe traité, composé de 135 personnes supplémentées à raison de 1,5 g de HCA par jour (8). Il est difficile de tirer des conclusions sur la fiabilité compte tenu de la durée et la taille des études. La plupart d’entre elles portent sur un groupe relativement restreint et une durée maximum de 12 semaines, ce qui ne suffit pas forcément pour juger de la fiabilité à long terme. On a signalé plusieurs cas de toxicité impliquant des produits contenant entre autres du HCA, tels que l’Hydroxicut, mais il est impossible d’identifier le HCA comme agent causal. La G. cambogia et le HCA semblent ne présenter aucun risque significatif d’interaction médicamenteuse, bien qu’une interaction soit théoriquement possible avec les médicaments réducteurs de glycémie, en raison d'un effet cumulatif potentiel. On a signalé un cas de rhabdomyolyse (dégradation musculaire) après utilisation d'un produit contenant de la Garcinia combinée avec un médicament aux statines (9). Encore une fois, la causalité directe avec G. cambogia est difficile à établir.

G. cambogia et HCA ont rencontré un énorme succès sur le marché des compléments amaigrissants, et se diffusent encore davantage grâce à leur insertion dans de nombreux produits composés. Bien que les résultats des essais sur l’homme semblent mitigés concernant la perte de poids, le débat se poursuit, et les recherches en cours restreindront probablement dans un avenir proche la valeur du HCA et sa fameuse capacité à « brûler les graisses ». Les recherches préliminaires portant sur les effets sur le taux de cholestérol ont été prometteuses, même si les résultats sont loin d'être concluants. L'effet exact du HCA sur les différents types de cholestérol reste à éclaircir. Le traitement semble être généralement bien toléré, et aucun problème de toxicité n'a été observé, ce qui en fait un produit relativement sûr pour le grand public. Le temps dira si Garcinia cambogia et HCA sont la panacée que recherche le monde occidental pour lutter contre l'épidémie croissante d'obésité et de maladies liées à son mode de vie.