
Le type d’ulcère buccal le plus courant est l’aphte, également appelée stomatite aphteuse [i]. Bien que la plupart des ulcères soient idiopathiques et guérissent en une à deux semaines, certains peuvent réapparaitre une fois par mois ou plusieurs fois par an, ce qui peut provoquer des cicatrices et un inconfort excessifs [ii]. Il n’existe actuellement aucun traitement curatif de la stomatite aphteuse récurrente, tant son étiologie est diversifiée [iii]. Il faut tenir compte de l’hygiène buccodentaire, des traumatismes locaux, des carences nutritionnelles, de la génétique, des médicaments, ainsi que des facteurs immunitaires lors de l’élaboration d’un plan de traitement visant à prévenir les ulcères et à accélérer le processus de guérison 1, 2. Malheureusement, la nature douloureuse des aphtes peut également avoir un impact sur l’apport alimentaire ainsi que sur la production de la parole et interférer avec les pratiques d’hygiène buccodentaire s’ils ne sont pas traités [iv].
Il existe trois types d’ulcères aphteux récurrents : mineurs, majeurs, et herpétiformes [v]. Les ulcères mineurs sont les plus courants, provoquant le moins d’inconfort et étant de plus petite taille 5. Cela contraste avec les ulcères majeurs qui sont plus graves, de plus grande taille, plus douloureux, et plus lents à guérir 1, 5. À l’inverse, les ulcères herpétiformes varient en diamètre et forment de multiples lésions ponctuelles peu profondes dans toute la cavité buccale. En fait, il peut y avoir jusqu’à 100 lésions actives à la fois 1, 5. Ces lésions récurrentes peuvent être traitées par des moyens conventionnels ou naturellement grâce à l’utilisation de suppléments oraux et de préparations botaniques topiques. Vous trouverez ci-dessous quelques-unes des interventions naturopathiques les mieux étudiées pour soutenir la guérison de la stomatite aphteuse récurrente.
Aloès

L’aloès (Aloe vera) est une plante tropicale semblable à un cactus et dotée de propriétés antiinflammatoires, antibactériennes, antivirales, antifongiques, antioxydantes, et cicatrisantes [vi]. Les produits de fermentation probiotique de l’aloès, appliqués localement, raccourcissent le temps de guérison et restaurent la diversité microbienne dans la cavité buccale 6. Dans un essai clinique, 35 patients adultes atteints de stomatite aphteuse ont appliqué du gel de fermentation d’aloès ou un gel de chitosane sur la surface de chaque ulcère, chaque jour après chaque repas, jusqu’à sa résolution 6. À titre de référence, le chitosane est un polysaccharide naturel préparé à partir de la chitine, un composé présent dans la carapace des crustacés comme le crabe et les crevettes [vii]. L’étude a révélé que l’utilisation d’aloès est associée à une proportion plus élevée de participants ayant un temps de guérison plus rapide (4 à 6 jours) et à une proportion plus faible de participants ayant un temps de guérison plus long (7 à 10 jours) par rapport au groupe ayant reçu la chitosane 6. De plus, le groupe ayant reçu l’aloès avait moins de bactéries buccales nocives comme Actinomyces, Granulicatella, et Peptostreptococcus 6.
Dans une étude cas-témoins distincte, en double aveugle, 40 sujets adultes présentant des lésions aphteuses buccales mineures ont été randomisés pour recevoir un traitement avec un gel d’aloès à 2 % ou un gel salin à 2 %, pendant 2 semaines [viii]. Bien que les deux groupes aient été considérés comme guéris au jour 10, le groupe ayant reçu l’aloès présentait une intensité de douleur inférieure à celle du groupe témoin après 4 jours. Le diamètre de la lésion et la zone d’inflammation circonscrite étaient également significativement plus petits dans le groupe ayant reçu l’aloès après les jours 3 et 7, respectivement 7.
L’acemannane, un polysaccharide extrait de l’aloès, a également été étudié comme traitement potentiel des ulcérations aphteuses buccales [ix]. Cent-quatre-vingts (180) sujets présentant des ulcères buccaux récurrents ont été randomisés pour recevoir 0,1 % d’acétonide de triamcinolone, 0,5 % d’acémannane dans un épaississant polymère Carbopol®, ou l’épaississant Carbopol® seul 8. Les participants à l’étude ont reçu pour instruction d’appliquer le traitement localement sur leurs ulcères 3 fois par jour pendant 7 jours 8. Bien que le groupe ayant reçu l’aloès n’ait pas été supérieur au groupe ayant reçu l’acétonide de triamcinolone à 0,1 % en termes de réduction de la taille et de la douleur des ulcères, il était supérieur au groupe témoin 8.
Vitamine B12
Une étude a révélé que 28 % des patients atteints de stomatite aphteuse récurrente présentaient une carence en une ou plusieurs vitamines B 4. La vitamine B12, en particulier, joue un rôle dans la régénération des tissus de la muqueuse buccale compte tenu de son effet sur la formation des cellules souches [x]. Pour cette raison, une supplémentation en vitamine B12 par voie orale, topique, ou par injection a été proposée comme traitement potentiel, bien que des études montrent des preuves contradictoires de son efficacité 9.
Dans un essai en double aveugle contrôlé par placébo, 58 sujets souffrant de stomatite aphteuse récurrente ont été randomisés pour recevoir une dose sublinguale de 1 000 mcg de vitamine B12 une fois par jourpendant 6 mois, quels que soient leur taux sérique de B12 2. À la fin de l’essai, plus de 74,1 % des patients recevant de la B12 étaient indemnes d’ulcères, contre seulement 32 % dans le groupe témoin 2. De plus, les participants traités ont présenté une diminution statistiquement significative de la durée moyenne des épisodes de stomatite aphteuse récurrente (p < 0,0001), du nombre mensuel moyen d’ulcères (p < 0,0001), et des niveaux de douleur subjective moyens (p < 0,0001) à 5 et 6 mois de traitement 2. Aucune diminution significative n’a été constatée dans le groupe témoin 2.
Curcumine

La curcumine est la principale substance bioactive extraite de la plante Curcuma longa [xi]. Elle a des effets antiinflammatoires, antioxydants, analgésiques, et cicatrisants potentiels lorsqu’appliquée localement et prise par voie orale [xii]. La curcumine inhibe la libération de cytokines pro‑inflammatoires en modulant des enzymes telles que la phospholipase, la lipidase, et la cyclooxygénase‑2 10. Lorsqu’elle est utilisée dans le traitement de la stomatite aphteuse récurrente, la curcumine peut être appliquée via un gel de curcumine à 1 à 2 %, une poudre, ou une solution orale de curcumine à 10 à 50 % 10. En fait, quatre études ont montré que la curcumine est aussi efficace que l’acétonide de triamcinolone à 1 % lorsqu’appliquée localement pour réduire la taille et la douleur des ulcères 10. Les trois études restantes ont montré que la curcumine est également supérieure aux groupes témoins pour réduire les signes et symptômes des ulcères buccaux.10
Dans la première étude, 105 participants souffrant d’ulcères aphteux mineurs récurrents ont été randomisés pour recevoir de la curcumine, du miel, ou un gel Orabase® comme traitement topique [xiii]. Il leur a été demandé d’appliquer le traitement 3 fois par jour sur la zone ulcérée pendant 7 jours 13. Ceux ayant reçu de la curcumine ont connu une réduction significative de la taille de l’ulcère (5,8 ± 1,7 à 1,4 ± 1,4), une réduction des scores de douleur EVA (6,2 ± 1,5 à 0,8 ± 0,2), et une réduction du niveau d’érythème (2,6 ± 0,5 à 0,7 ± 0,6) 13. Dans la deuxième étude 28 participants ont reçu un gel de curcumine à 2 % ou un gel placébo à appliquer deux fois par jour pendant 2 semaines [xiv]. La douleur a été significativement soulagée dans le groupe ayant reçu de la curcumine au jour 4, et la taille de l’ulcère a été réduite aux jours 4 et 7 par rapport au placébo 14. Finalement, une étude a réparti divisé 83 patients en trois groupes de traitement, l’un recevant une solution orale de curcumine à 10 %, l’autre recevant une solution orale de curcumine à 50 %, et le dernier groupe recevant une solution placébo de glycérine [xv]. Plus de 70 % des patients utilisant l’une ou l’autre des solutions orales de curcumine ont constaté une guérison complète au jour 5, alors que seulement 20 % du groupe placébo ont constaté une guérison complète au jour 5 15.
Miel

Diverses études in vitro et cliniques ont démontré les effets antimicrobiens du miel, et il est historiquement utilisé comme traitement des plaies depuis des milliers d’années 3. Le miel peut exercer ces effets en raison de son effet osmotique, de son faible pH, et de sa capacité à moduler les cytokines et l’inflammation 3. Le miel contient également une variété d’acides organiques, d’acides aminés, de vitamines, d’enzymes, et de glucides, qui contribuent à son rôle d’agent médicinal 3.
Dans un essai, 180 sujets adultes atteints de stomatite aphteuse récurrente ont été randomisés pour recevoir soit un miel topique de qualité commerciale, soit de l’acétonide de triamcinolone à 0,1 %, soit une pâte protectrice orale, trois fois par jour après les repas, pendant huit jours 3. Les ulcères ont commencé à diminuer en taille et en rougeur dans les 2,73 jours suivant l’utilisation du miel, et 95,5 % des participants utilisant du miel ont signalé une réduction spectaculaire du niveau de douleur après le premier jour 3. En fait, le soulagement de la douleur s’est avéré plus efficace avec l’utilisation du miel qu’avec l’utilisation de la triamcinolone et de la pâte protectrice orale 3.
Rinçage salin
L’utilisation de solutions salines de rinçage pour la santé buccodentaire est apparue dès 2 700 avant notre ère en Chine [xvi]. Aujourd’hui, une grande partie du public utilise des solutions de chlorure de sodium pour maintenir des gencives saines et améliorer la guérison des ulcères buccaux comme les aphtes [xvii]. Cependant, on sait peu de choses sur la manière dont le sel affecte la stomatite aphteuse et sur les concentrations qu’il est préférable d’utiliser pour sa prévention 12. Dans une étude in vitro, des chercheurs ont isolé des fibroblastes gingivaux humains et des kératinocytes buccaux humains 12. Les cellules ont été rincées avec 0 à 7,2 % de chlorure de sodium pendant 2 minutes 3 fois par jour 12. Le rinçage salin a pu favoriser la migration cellulaire dans les fibroblastes gingivaux humains et réguler positivement l’expression de la fibronectine et du collagène de type I 12. En outre, le rinçage régule positivement des facteurs tels que la F‑actine, responsables de la réorganisation du cytosquelette et de la formation de protéines de la matrice extracellulaire 12. Bien que préliminaire, cette étude suggère une certaine base scientifique à l’utilisation de rinçages salins pour les ulcères buccaux 12.
Réglisse

Glycyrrhiza glabra contient une variété d’ingrédients bioactifs comme la glycyrrhizine, la licoricidine, et la glabridine, qui sont à la fois antiinflammatoires et immunomodulatrices [xviii]. Lorsqu’utilisée sous forme de pâte, de patch, ou de solution de rinçage buccal, il a été démontré que la réglisse réduit la douleur récurrente, la taille de l’ulcère, et le temps de guérison liés à la stomatite aphteuse 5. Bien que son efficacité dépende de la dose, l’utilisation de la réglisse présente certains avantages lorsqu’elle est utilisée à des concentrations variant de 1 à 5 % [xix]. La réglisse peut élever les niveaux du facteur de croissance épidermique (EGF), qui participe à la cicatrisation de la peau en stimulant la prolifération et la migration des cellules endothéliales, des kératinocytes, et des fibroblastes 15. De plus, la réglisse exerce des effets antimicrobiens contre certaines souches de bactéries buccales, notamment Streptococci mutans et Porphyromonas gingivalis, qui peuvent être impliquées dans la pathogenèse des ulcères buccaux 15.
Dans un essai en double aveugle, 23 sujets souffrant d’ulcères aphteux ont été randomisés pour recevoir un patch oral dissolvant avec de l’extrait de réglisse ou un patch placébo, pendant 8 jours [xx]. Ceux ayant reçu de la réglisse ont constaté une réduction de la taille et de la douleur de l’ulcère par rapport à ceux qui ont reçu le placébo 16. Une étude distincte utilisant des patchs d’hydrogel bioadhésifs à la réglisse auprès de 15 sujets a révélé une réduction significative des scores de douleur EVA aux jours 2, 3, 4, et 5 d’utilisation par rapport au groupe sans traitement (p < 0,001) [xxi]. Les patchs ont également réduit de manière significative la taille du centre nécrotique de la lésion et du halo inflammatoire entourant la lésion (p = 0,03) 17.
Conclusion
La prise en charge de la stomatite aphteuse récurrente nécessite une approche multifactorielle compte tenu de la diversité de son étiologie. Les interventions naturopathiques — notamment le traitement à l’aloès, à la vitamine B12, à la curcumine, au miel, aux solutions salines, et à la réglisse — se révèlent prometteuses en ce qui concerne la guérison des ulcères et le contrôle des symptômes. L’intégration de ces traitements topiques et suppléments — avec une alimentation équilibrée et une bonne hygiène buccodentaire — représente une approche holistique optimale pour prendre en charge les patients atteints d’aphtes.
Références
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