Applications topiques du bakuchiol : un cosméceutique émergent

L’utilisation de rétinoïdes topiques s’avère efficace pour traiter une série de problèmes cutanés courants, tels que le vieillissement cutané, l’acné, et l’hyperpigmentation. Un défi fréquent lors de l’utilisation de rétinoïdes topiques, y compris les formes en vente libre, est l’expérience à court terme d’effets secondaires cutanés tels que prurit, érythème, desquamation, xérose, et sensations de picotement ou de brulure ^1,2  . Un tel problème de tolérabilité peut remettre en question l’observance du patient. Dans une situation idéale, nous obtiendrions les bienfaits des rétinoïdes sans ces effets secondaires. Un ingrédient cosméceutique émergent semble accomplir un tel exploit, du moins dans une moindre mesure. Cet article explorera la recherche entourant l’utilisation topique du bakuchiol, un phénol d’origine végétale, pour le traitement du vieillissement cutané (en particulier chez les personnes présentant des sensibilités cutanées), l’acné vulgaire, et l’hyperpigmentation inflammatoire.

Bakuchiol : une brève revue

Bien qu’on le trouve dans diverses plantes, le méroterpène phénol purifié du bakuchiol provient principalement de la graine de Psoralea corylifolia ³ . Cette plante a une riche histoire en médecine traditionnelle chinoise et indienne ^4,5. Le bakuchiol exerce de nombreuses activités biologiques, notamment en tant qu’antiinflammatoire, antioxydant, antibactérien, antitumoral, et antiacnéique ^6,7,8  . La plupart des essais cliniques ont utilisé le bakuchiol à des concentrations topiques comprises entre 0,5 % et 1,0 % et ont rapporté qu’il était bien toléré ⁹. Il est également essentiel de s’assurer qu’une formulation topique donnée utilise l’isolat purifié de bakuchiol plutôt qu’un extrait de plante entière ou une forme d’huile de bakuchi, car ces formes moins pures peuvent contenir des composés phototoxiques comme les psoralènes, qui peuvent augmenter la photosensibilité et les effets indésirables lorsqu’ils sont utilisés par voie topique  .¹⁰

Utilisation contre le vieillissement cutané et la sensibilité cutanée

La notion selon laquelle le bakuchiol agisse comme un analogue du rétinol, bien que les deux composés n’aient aucune ressemblance structurelle, est essentielle dans le cadre de l’atténuation des rides et ridules¹¹  . Plusieurs méthodologies de recherche ont été utilisées pour étayersupporter cette théorie ; celles-ci incluent l’examen de la ressemblance entre le bakuchiol et le rétinol en termes de profils d’expression génique dans un modèle de substitut cutané pleine épaisseur ^12,13,14 la modulation des gènes spécifiques associés aux composants de la matrice extracellulaire et de la jonction dermoépidermique, et l’évaluation des effets stimulants du collagène dans les fibroblastes humains à l’aide d’une évaluation basée sur ELISA  ^15,16  . Au-delà de ces effets, les propriétés antioxydantes et antiinflammatoires du bakuchiol contribueraient également à ses effets sur le vieillissement cutané. Plus précisément, une équipe de recherche a décrit la capacité et le pouvoir antioxydants notables (qui quantifient à la fois la capacité et la réactivité) du bakuchiol en utilisant des méthodes telles que le spectromètre à résonance de spin électronique17. Quant à la limitation de la réponse inflammatoire, la même équipe a également démontré, dans des études in vitro distinctes utilisant des fibroblastes dermiques humains, une réduction des taux de prostaglandine E₂ (PGE₂) et du facteur inhibiteur de la migration des macrophages (MIF). Tous deux ont été impliqués dans les mécanismes du vieillissement cutané  .¹⁸

Aperçu de la recherche et des revues   ¹⁹

Une revue systématique explorant et résumant l’application du bakuchiol pour diverses préoccupations dermatologiques a été récemment publiée ; la majeure partie des études répondant aux critères d’inclusion concernaient l’utilisation du bakuchiol pour le vieillissement cutané. Cela comprenait trois essais précliniques et six essais cliniques. Dans l’ensemble, bien que les auteurs aient exprimé le besoin d’études plus approfondies pour explorer plus en détail le rôle du bakuchiol dans les soins de la peau, ils ont souligné que les études cliniques ont généralement démontré que le bakuchiol est efficace par rapport au rétinol. Dans des études in vivo, le bakuchiol a été administré indépendamment ou en association avec d’autres produits, entrainant une diminution notable des photodommages, de l’hyperpigmentation, des scores de rides, et de la gravité de l’acné. L’examen a également souligné comment le bakuchiol offre aux personnes ayant la peau sensible une option plus tolérable pour gérer les signes du vieillissement cutané.

Aperçu de la recherche et des revues ²⁰

Un exemple des essais cliniques décrits dans la revue systématique mentionnée ci‑dessus était un essai contrôlé randomisé (ECR) de 12 semaines avec 44 participants, principalement des femmes, mené en double aveugle. La moitié des participants ont appliqué du rétinol à 0,5 % sur tout le visage une fois par soir, tandis que le deuxième groupe a appliqué une crème de bakuchiol à 0,5 % sur tout le visage deux fois par jour. Les évaluations comprenaient une analyse informatisée d’images faciales pour détecter les rides, l’érythème, et la pigmentation de la peau ; l’évaluation dermatologique pour la pigmentation, la desquamation, et l’érythème ; et une échelle de tolérance notée par les participants. Les résultats notables atteignant une signification statistique sont les suivants :

• Par rapport à la valeur initiale, le rétinol et le bakuchiol exercent une réduction de la superficie des rides fines du visage au bout de 12 semaines (p < 0,05). Dans cette constatation, aucune différence significative n’a été constatée entre le rétinol et le bakuchiol.
• Par rapport à la valeur initiale, le rétinol et le bakuchiol exercent une réduction de la surface d’implication de la pigmentation sur le visage (tous deux p < 0,05) ainsi que de l’intensité de la pigmentation au bout de 12 semaines (p < 0,05 pour le rétinol, p = 0,05) pour le bakuchiol). Aucune différence significative n’a été notée entre le rétinol et le bakuchiol dans l’analyse d’imagerie informatisée ou dans la notation dermatologique.
• À tous les points d’évaluation (4, 8, et 12 semaines), la desquamation évaluée par les dermatologues était significativement plus élevée dans le groupe rétinol que dans le groupe bakuchiol (p < 0,05). Le groupe ayant reçu le rétinol a également signalé davantage de picotements à la quatrième semaine (p < 0,05), qui ont diminué à mesure que l’étude avançait.

Aperçu de la recherche et des revues ²¹

Un bienfait notable du bakuchiol est sa capacité à offrir des effets similaires à ceux du rétinol pour le vieillissement cutané sans le même degré de problèmes de tolérance. Cela positionne de manière unique le bakuchiol comme une option potentielle pour gérer le photovieillissement chez les patients à la peau sensible. Dans un essai d’une durée de quatre semaines, 60 participantes (âgées de 40 à 65 ans ; types de peau Fitzpatrick I à V) présentant une sensibilité cutanée autoperçue et des signes légers à modérés de photodommages (en particulier les rides cutanées et le teint irrégulier) ont été assignées à un nettoyant pour la peau et à un hydratant à base de 1 % de bakuchiol, chacun appliqué deux fois par jour sur le visage et le cou. Les résultats notables atteignant une signification statistique à partir des mesures de base sont les suivants :

• Amélioration des paramètres évalués par les enquêteurs tels que la douceur visuelle, la douceur tactile, l’antiâge global, et l’apparence générale (p < 0,001).
• Une augmentation de 16 % de l’hydratation de la peau mesurée par cornéométrie (p < 0,001), une technique utilisée en dermatologie et en soins de la peau pour mesurer les niveaux d’hydratation de la couche la plus externe de la peau, connue sous le nom de couche cornée.
• Aucun changement dans la perte d’eau transépidermique, ce qui signifie que ces sujets n’ont probablement subi aucun dommage au niveau de la barrière cutanée ou n’ont subi aucune détérioration de l’intégrité de leur barrière cutanée.

Dans l’ensemble, l’évaluation de la tolérance par sujet a démontré que la formule était très bien tolérée. Aucun problème de tolérabilité n’a été constaté lors de l’évaluation par l’investigateur. Au cours de la quatrième semaine, 10 % des participantes ont indiqué une sensation de picotement minime (p = 0,031), et quelques autres ont signalé une sensation d’oppression minime (p = 0,017).

Utilisation dans le traitement de l’acné vulgaire

Divers travaux préliminaires in vitro ont suggéré un rôle potentiel du bakuchiol dans la gestion de l’acné vulgaire. Si ces effets se confirment, ils démontrent une fois de plus à quel point l’effet du bakuchiol sur un problème cutané donné peut être multifactoriel. Ceux-ci incluent la régulation négative de la 5‑α‑réductase ; des activités antibactériennes et antifongiques, notamment contre Cutibacterium acids ; activité antiinflammatoire, y compris l’inhibition de la cyclooxygénase ; inhibition de l’activité de la collagénase et de l’élastase, ce qui peut aider à limiter le développement ultérieur de cicatrices d’acné ; et réduction du stress oxydatif, notamment l’inhibition de la peroxydation lipidique. ^22,23

Aperçu de la recherche ²⁴

Un essai clinique pilote a été réalisé par une équipe employée par un fabricant de bakuchiol. Bien qu’aucune analyse statistique des résultats de l’étude n’ait été rapportée, l’essai fournit cependant une image intéressante concernant l’utilisation du bakuchiol, à la fois seul et en combinaison avec l’acide salicylique, un exfoliant populaire à base d’acide bêta-hydroxy utilisé pour déloger le bouchon comédonal de sa muqueuse folliculaire. Soixante (60) volontaires souffrant d’acné légère à sévère ont été répartis dans l’un des quatre groupes de traitement, correspondant à des lotions contenant 1 % de bakuchiol, 2 % d’acide salicylique, 1 % de bakuchiol et 2 % d’acide salicylique, et un contrôle. Au cours de cet essai de 6 semaines, les lotions ont été appliquées deux fois par jour sur l’ensemble du visage. Le Global Acne Grading System a été utilisé pour déterminer le pourcentage de réduction de l’acné par rapport aux valeurs de base déterminées par un examen dermatologique.

Les résultats notables au bout de 6 semaines pour le classement de l’acné comprenaient :

• Une réduction de 57 % dans le groupe recevant uniquement du bakuchiol ;
• Une réduction de 48 % dans le groupe recevant uniquement de l’acide salicylique ;
• Une réduction de 67 % dans le groupe recevant le produit combiné ; et
• Une réduction de 11 % dans le groupe témoin.

Aucun sujet n’a signalé ou n’a observé de réaction indésirable avec les lotions utilisées.

Bien que des études supplémentaires soient nécessaires, cet essai pilote suggère comment le bakuchiol, utilisé seul ou surtout en association avec de l’acide salicylique, peut constituer un traitement efficace contre l’acné vulgaire.

Utilisation dans l’hyperpigmentation

Le bakuchiol a suscité l’intérêt pour ses effets éclaircissants sur la peau en relation avec l’atténuation de l’hyperpigmentation. Ceci repose sur diverses preuves, telles que des travaux in vitro utilisant une lignée cellulaire de mélanome, qui ont démontré une puissante inhibition de la production de mélanine pour le bakuchiol par rapport à l’arbutine, un autre agent de dépigmentation populaire²⁵. Il est intéressant de noter que les études cliniques préliminaires explorant les effets du bakuchiol de cette manière proviennent d’études sur l’acné qui ont simultanément exploré les effets sur le développement de l’hyperpigmentation postinflammatoire (HPI) sur des zones de lésions acnéiques antérieures. En plus de l’étude décrite ci‑dessous, une revue systématique a rendu compte de ces études, suggérant ensemble la capacité du bakuchiol à améliorer l’HPI  .²⁶

Aperçu de la recherche ²⁷

Un essai prospectif non randomisé a adopté une nouvelle approche pour étudier les effets du bakuchiol sur l’HPI. Ici, 20 sujets de types de peau IV à VI présentant une acné du visage et des antécédents d’HPI induite par l’acné présentaient également trois lésions d’HPI induites par l’acide trichloroacétique (ATC) sur une zone de la fesse. Après la transition de trois lésions d’acné du visage vers l’HPI, les sujets ont appliqué, à l’aveugle, une crème contenant du bakuchiol et une crème véhicule aux lésions d’acné et d’HPI induites respectivement par l’ATC, avec un ensemble de lésions non traitées comme témoin ; cela a été fait deux fois par jour pendant 28 jours. La notation de l’évaluation globale de l’enquêteur (EGE) pour l’hyperpigmentation a servi de mesure des résultats. Les résultats notables comprenaient :

• IGA scores for bakuchiol-treated, TCA‑induced PIH showed a significantly greater improvement (−0.50 ± 0.18) as compared to vehicle-treated (0.05 ± 0.15) and control (−0.06 ± 0.17) (p < 0.05).
• IGA scores for bakuchiol-treated, acne-induced PIH also demonstrated notable improvement (−1.06 ± 0.23) as compared to vehicle-treated (−0.56 ± 0.16) and control (−0.69 ± 0.18); however, this finding failed to reach statistical significance (p > 0.05).

Bien qu’encore relativement récent depuis son émergence dans les formulations topiques, les recherches menées à ce jour suggèrent que le bakuchiol trouve rapidement sa place dans le domaine des agents offrant des effets dermatologiques notables. Que ce soit pour l’atténuation du photovieillissement, en particulier chez les peaux sensibles, ou la gestion de l’acné et de ses séquelles d’hyperpigmentation, il sera passionnant de voir quelles autres découvertes seront établies pour ce nouveau cosméceutique.

Avertissement : Les informations présentées dans cet article sont uniquement à des fins d’information générale et ne constituent pas un avis médical. Veuillez d’abord examiner avec votre praticien de soins de santé personnel les approches thérapeutiques et les produits qui conviendraient le mieux à votre cas.