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L’hypochlorhydrie - Une carence aux conséquences multiples

Brock McGregor
BSc, ND
https://www.mcgregornd.com
24 September 2014
Français

L’hypochlorhydrie - Une carence aux conséquences multiples
by: Brock McGregor BSc ND

McGregor Naturopathic
220 St Clair St Chatham, ON

www.mcgregornd.com
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Hypochlorhydria - Not Enough of a Good Thing



Introduction

Se sentir vite rassasié, être ballonné pendant et après les repas ou avoir des reflux acides : autant de signes d’une faible acidité gastrique – ce qu’on désigne par le terme clinique d’hypochlorhydrie. L’hypochlorhydrie survient quand les cellules pariétales de la muqueuse gastrique ne produisent pas assez d’acide chlorhydrique (HCI). De nombreuses causes sous-jacentes, d’ordre psychologique, physiologique ou infectieux, peuvent être à l’origine d’un trouble pariétal. Une sous-production de HCI entraine un manque d’acidité dans l’environnement gastrique, ce qui provoque un certain nombre de symptômes relatifs à la malabsorption, des troubles digestifs et une diminution du tonus du sphincter œsophagien inférieur (1). Une baisse de l’acidité stomacale peut favoriser la croissance bactérienne, entrainer des reflux acides et des carences nutritionnelles (2,3). Celles-ci, à leur tour, peuvent contribuer au développement de diverses maladies dont la dépression, l’ostéopénie/ostéoporose, et l’acné (1).

Le diagnostic d'hypochlorhydrie implique une prise en charge clinique et l’interprétation du bilan sanguin. Plusieurs tests spécifiques sont disponibles pour évaluer l’acidité stomacale, mais ne sont pas systématiquement utilisés. Le dépistage de l’hypochlorhydrie est particulièrement souhaitable chez les personnes présentant des affections associées.

Le rôle de l’acide gastrique
L’acide gastrique joue un rôle clé dans le processus digestif, pour assurer la dissociation et l’assimilation des protéines alimentaires (2). En plus des protéines, l’acide gastrique est nécessaire à l’absorption d’un certain nombre de micronutriments. Une bonne sécrétion de facteur intrinsèque gastrique et d’acide gastrique est notamment nécessaire pour dissocier et absorber la vitamine B12 alimentaire, ce qui fait de la carence en vitamine B12 un symptôme courant de l’hypochlorhydrie (4). L’hypomagnésémie (carence en magnésium) et la carence en fer sont également fréquentes en cas d’hypo- et d’achlorhydrie (4,5). Outre son rôle dans la digestion, l’acide gastrique a une fonction de barrière contre beaucoup de bactéries pathogènes. Un faible taux d’acide gastrique permet la colonisation du système digestif inférieur par des bactéries indésirables (2), et est aussi associé, notamment en cas d’utilisation d’agents correcteurs d’acidité, à des infections graves, notamment par Clostridium difficile (6). L’acide gastrique a également une fonction mécanique dans notre système digestif, en émettant un signal qui indique au sphincter œsophagien inférieur de se refermer. Quand il fonctionne bien, le sphincter empêche le contenu de l'estomac d'entrer dans l'œsophage. S’il ferme mal, ce contenu peut remonter dans l’œsophage et provoquer une irritation appelée reflux acide, reflux gastro-œsophagien, ou brûlures d’estomac (1).


Les causes d’hypochlorhydrie
Causes of Hypochlorhydria

Certains facteurs peuvent directement provoquer une diminution de la sécrétion d’acide gastrique, parmi lesquels :

L’auto-immunité

Plusieurs maladies auto-immunes, dont la thyroïdite d’Hashimoto, l’hyperthyroïdie et le diabète de type 1 sont associées à l’hypochlorhydrie (1,7). Dans la gastrite atrophique auto-immune, le développement d’anticorps contre les cellules pariétales entraine leur destruction, et en conséquence une sous-production d’acide gastrique (4). Des anticorps contre le facteur intrinsèque peuvent aussi se manifester, provoquant une mauvaise absorption de la vitamine B12 – cas fréquent dans l’hypochlorhydrie (4). Une anémie pernicieuse se développe souvent, et peut être dépistée lors d’un examen de routine. Chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes, la gastrite auto-immune et l’anémie pernicieuse surviennent 3 à 5 fois plus souvent que dans la population générale (4).

H. Pylori

Helicobacter pylori (H. pylori) est une bactérie associée aux ulcères gastriques et gastroduodénaux, aux gastrites et au cancer de l’estomac. H. pylori peut produire des protéines qui interfèrent avec la capacité des cellules pariétales à sécréter de l’acide gastrique en quantité appropriée (8,9). On a pu montrer que l’infection par H. pylori réduisait les taux de vitamine B12, de fer, d’acide folique et de vitamine A, du fait de la baisse de l’acidité dans l’estomac (10,11,12). Il est prouvé que les paramètres relatifs à l’absorption des vitamines et des minéraux chez les personnes infectées s’améliorent après éradication de H. pylori (10,11).

La sensibilité alimentaire

L’histamine est un modulateur de l’HCI libéré dans l’intestin. Chez quelques personnes, l’exposition à certains aliments provoque une réduction du taux d’histidine (nécessaire à la production d’histamine), entrainant une plus faible sécrétion d’HCI (1).

Les produits pharmaceutiques

Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont l’un des médicaments les plus couramment utilisés, spécifiquement pour réduire l’acidité gastrique. Cette hypochlorhydrie intentionnelle est associée à plusieurs carences en micronutriments, dont les vitamines B12 et D, le fer, l’acide folique, le calcium et le zinc (13). Bien qu’il soit controversé, on a établi un lien entre l'ostéopénie/ostéoporose et l'utilisation des IPP (14). Peut-être plus préoccupantes, des infections graves telles que la pneumonie et le C. difficile sont liées à l'utilisation des IPP chez les personnes âgées (6).


Les conséquences de l’hypochlorhydrie
Consequences of Hypochlorhydria Carences en vitamines et minéraux

Ainsi que nous l’avons signalé, des carences en acide folique, vitamines A, B12 et D, zinc, calcium et fer sont associées au manque d’acide gastrique (1,7,10). Ces carences s’expliquent par une moindre capacité à dissocier les minéraux et les vitamines des aliments, ainsi que par les effets connexes sur les sécrétions gastriques, autres que l'acide chlorhydrique, aidant l'absorption (4).

Ostéopénie et ostéoporose

Le calcium, comme les autres minéraux, a besoin, pour être bien absorbé, d’une acidité gastrique suffisante pour se dissoudre à partir de sa forme saline (13). On pense qu’un faible taux d’acide gastrique, réduisant la capacité d’absorption du calcium, pourrait augmenter le risque d’ostéopénie et d’ostéoporose (13). De même, l’utilisation à long terme d’inhibiteurs de la pompe à protons a été associée à une augmentation du risque de fracture osseuse en raison de la réduction de la densité minérale des os (14).

Affections cutanées

De nombreuses maladies de peau sont liées à un déséquilibre d’acide gastrique. La couperose, l’alopécie, l’eczéma, le lupus et le vitiligo ont été associés à un défaut de production d’HCI (1,15). Dès 1945, des études ont révélé que les personnes atteintes de couperose pouvaient être soulagées par une supplémentation en HCI (16).

Dépression

L’acide gastrique n’est pas seulement nécessaire pour digérer et pour assimiler les vitamines et minéraux, il l’est également pour la digestion des protéines. À défaut de bien digérer les protéines, l’organisme peut manquer d’acides aminés spécifiques (1). Une carence en tyrosine et en tryptophane peut déterminer une insuffisance en noradrénaline et en sérotonine, conduisant à la dépression (1). Le manque de vitamine B12 est aussi corrélé avec la dépression et l’anxiété, et a une relation bien établie avec l’hypochlorhydrie (4,17).

Reflux acide

Le reflux acide est provoqué par la présence de contenus de l’estomac dans l’œsophage. Le sphincter œsophagien inférieur, situé entre l’estomac et l’œsophage, évite, quand il est bien fermé, le passage du contenu gastrique vers l’œsophage. Bien qu’il soit habituellement traité comme un problème lié à l’excès d’acide gastrique, le reflux est le plus souvent provoqué par son insuffisance, puisque le sphincter œsophagien a besoin de suffisamment d’acide pour déclencher sa fermeture (1).

Troubles de la digestion

Constipation, ballonnements, sensation de satiété et malaise abdominal sont tous associés à l’hypochlorhydrie. Les personnes souffrant d’hypochlorhydrie décrivent une sensation de satiété rapide dès qu’ils commencent à manger, comme si les aliments leur pesaient sur l’estomac.


Gestion de la maladie
Management Diagnostic

L’hypochlorhydrie peut être diagnostiquée par ses symptômes cliniques, conjugués aux informations provenant d’analyses médicales et de tests spécifiques (1). En raison des carences en micronutriments caractéristiques de l’hypochlorhydrie, les anomalies relevées lors d’examens sanguins de routine, telles que les carences en vitamine B12 et en fer, permettent souvent de suggérer qu’elle est en cause (1,4). Des tests spécifiques sont disponibles pour mesurer directement l’acidité gastrique, mais ils sont peu utilisés. Ces tests comprennent le gastro-test et le test de pH gastrique de Heidelberg (1,18). Ce dernier consiste à ingérer une petite électrode qui envoie l’évaluation du pH gastrique par radio-transmission (1,18). Le gastro-test utilise un agent stimulant l’acide gastrique tel que la caféine, suivi de l’ingestion d’un long fil lesté par un comprimé inerte. Le fil est retiré et le pH gastrique est mesuré à différentes longueurs (1). Le test au chlorhydrate de bétaïne, moins invasif et utilisable à domicile, met en œuvre une méthode de titrage pour évaluer la quantité de succédané d’acide gastrique exogène qu’une personne peut tolérer.

Traitement

La priorité de toute thérapie est d’identifier et de soigner les causes sous-jacentes de la maladie. Dans le cas de l’hypochlorhydrie, l’identification des facteurs relatifs et contributifs est essentielle pour le traitement. L’éradication de H. pylori, l’élimination des sensibilités alimentaires et la modification de l’usage des produits pharmaceutiques peuvent chacun être déterminant pour contrer la cause sous-jacente du manque d’acide gastrique. En plus de traiter la cause de l’hypochlorhydrie, il existe plusieurs moyens utiles pour augmenter l’acidité stomacale et remplacer les nutriments qui peuvent faire défaut après une carence à long terme d’acide gastrique.

i) Le chlorhydrate de bétaïne

En plus d’être un complément utile pour évaluer l’acidité de l’estomac, le chlorhydrate de bétaïne permet d’augmenter l’activité digestive chez les personnes ayant un faible taux d’acide gastrique. Absorbé avant et pendant le repas, le chlorhydrate de bétaïne remplace l’acide gastrique, aidant à l’absorption et à la digestion des nutriments. Les protocoles d’utilisation du chlorhydrate de bétaïne mettent souvent en œuvre une stratégie de titrage permettant de trouver la dose de remplacement appropriée à chacun (1).

ii) La niacine

Certaines données suggèrent que la niacine pourrait avoir un impact sur la production d’acide gastrique, bien que le mécanisme exact demeure peu clair (1).

iii) Les plantes amères

Les phytothérapeutes et autres praticiens utilisent souvent des plantes amères telles que la gentiane, le pissenlit, l’armoise et l’achillée pour stimuler la digestion et augmenter les sécrétions gastriques. L’amertume de ces plantes serait en partie responsable de leurs effets digestifs (18).

iv) La vitamine B, le fer, les complexes de minéraux et les acides aminés

Comme nous l’avons vu, l’hypochlorhydrie peut nuire à l’absorption de la vitamine B12, du fer et d’autres nutriments (4). Une supplémentation avec des nutriments qu’on suppose déficients chez une personne souffrant d’hypochlorhydrie permet de traiter les affections qui y sont liées et d’améliorer la santé globale.


Conclusion

L’hypochlorhydrie est une maladie complexe, associée (et contribuant) à un certain nombre de problèmes de santé chroniques. Le dépistage des personnes à risque permet d’améliorer son traitement et la qualité de vie des personnes affectées.