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Césarienne vs Accouchement naturel - Exposition précoce et complications

Louise Wilson
BSc, ND

18 Mai 2016
Français

Césarienne vs Accouchement naturel - Exposition précoce et complications
by Louise Wilson, B.Sc, ND
dr.louisewilsonnd@gmail.com
Introduction

Qu’elle soit naturelle, déclenchée, ou par césarienne, la naissance d’un enfant peut être une expérience passionnante, effrayante et difficile – alors que la vie commence à peine ! Si certains accouchements se déroulent exactement comme prévu, d’autres se révèlent plus délicats, et il est heureux que des interventions telles que l’accouchement par césarienne existent pour éviter à certaines femmes les conséquences négatives d’un accouchement problématique [ 25 ]. Bien que les césariennes soient en général réalisées quand l’accouchement naturel présente un risque pour la vie de la mère ou celle de l’enfant, cette pratique s’est largement répandue, même dans les cas ou un accouchement naturel est possible [ 25 ]. La proportion de césariennes au Canada est aujourd’hui approximativement de 26%, soit une augmentation de 45% depuis la fin des années 90, que ce soit pour les césariennes « de confort » ou d’urgence, ce qui dépasse de 10 à 15% le taux recommandé par l'Organisation mondiale de la Santé [ 25 ]. Il n’est pas question de mettre en cause l’utilité de cette pratique, mais l’augmentation des césariennes « de confort » doit inciter à une meilleure compréhension des différences entre les deux types d’accouchement, différences qui peuvent impliquer des conséquences à long terme pour la santé des enfants nés par césarienne. Les parents veulent donner à leurs enfants le meilleur départ possible dans la vie et on entend beaucoup de conseils, médicaux ou non, pour protéger le développement et la croissance du bébé. Comprendre les différences entre les méthodes d’accouchement contribuera à la bonne santé du premier concerné par une naissance : l’enfant.

Césarienne vs Accouchement naturel - Exposition précoce et complications
Une importance viscérale

En tant que médecins, nous savons que le milieu intestinal, qui abrite notre écosystème microbien, détermine la santé de l’individu, de l’état gastro-intestinal au système immunitaire en passant par les fonctions cérébrales [ 14 ]. Nous savons qu’un développement biologique significatif se déroule pendant la petite enfance, et que ce développement est étroitement lié à la flore intestinale [ 20 ]. Nous savons aussi qu’un déséquilibre entre bactéries bénéfiques et pathogènes entraine un grand nombre de conséquences négatives pour la santé [ 11 ]. L’exposition dès la petite enfance aux bonnes bactéries et leur propagation sont essentielles à la santé de leur hôte, dans le présent comme dans le futur. Bien que certaines recherches récentes tendent à suggérer que la colonisation intestinale du fœtus commence peut-être avant la naissance, la plupart des études indiquent que le tractus gastro-intestinal du nourrisson est d’abord stérile à la naissance, les différentes méthodes d'accouchement influençant ensuite la colonisation bactérienne intestinale, qu'elle soit protectrice ou pathogène [ 8, 20 ]. Si nous regardons les études concernant l’accouchement naturel on s’aperçoit que les bébés nés par cette méthode sont colonisés principalement par des espèces bactériennes bénéfiques, telles que Lactobacillus et Bacteroides [ 18 ]. Ceci en comparaison avec les bébés nés par césarienne, dont on a montré qu’ils étaient colonisés par une combinaison de bactéries potentiellement pathogènes, telles que Staphylococcus et Acinetobacter, qu’on retrouve typiquement sur la peau et dans les hôpitaux [ 9 ]. D’autres recherches ont montré que les enfants nés par césarienne manquaient de bactéries Bacteroides et d’Escherichia-Shigella, comparés à ceux nés par accouchement naturel [ 3 ]. L’Escherichia-Shigella fait normalement partie des premières bactéries à coloniser l’intestin, créant et maintenant un environnement hospitalier pour les autres bactéries bénéfiques [ 3, 24 ]. Alors que ces résultats montrent les différences immédiates dans le microbiome gastro-intestinal à la naissance, une recherche complémentaire a étudié ces différences à plus long terme. Gronlund et ses collaborateurs ont établi que la flore intestinale des enfants nés par césarienne pouvait être perturbée plus de 6 mois après la naissance, tandis que selon Salminen et ses collaborateurs, des différences dans la flore intestinale pouvaient être trouvées 7 ans après l’accouchement [ 12, 23 ].

Une importance viscérale

Si ces recherches soulignent l’influence de la première exposition directe sur la microflore intestinale, les influences indirectes sont également importantes pour le développement du microbiome de l’enfant. Le lait maternel, plein de nutriments bénéfiques et essentiel pour le système immunitaire, est aussi un important régulateur du développement de la flore intestinale. On a montré qu’un anticorps présent dans le lait maternel, le SIgA, favorisait une bonne colonisation bactérienne, établissant un environnement plus sain pour l’enfant [ 21 ]. L’absence de cet anticorps peut entrainer des conséquences durables pour le nourrisson, y compris plusieurs signes de maladie intestinale inflammatoire (MII), soulignant l'importance de l'allaitement maternel, en particulier les premiers jours après la naissance. La lactation est en général retardée quand une césarienne intervient avant le début du travail, car les réactions hormonales sont initialement absentes, et des retards dans l’allaitement peuvent se produire [ 15 ]. Alors que beaucoup de femmes qui ont subi une césarienne parviennent à allaiter, pour celles qui choisissent de ne pas allaiter – ou qui en sont incapables – l’absence de modérateurs de croissance du lait maternel peut accentuer les effets déjà négatifs de la césarienne sur la flore bactérienne du nourrisson.


Préparer le terrain Préparer le terrain

Sachant les différences qui existent dans la colonisation bactérienne gastro-intestinale entre accouchement par césarienne et accouchement naturel, et que le tractus gastro-intestinal joue un grand rôle pour la santé et le développement du nourrisson, quels sont les effets de ces différences ? Est-il possible que les différences dans la colonisation préparent le terrain pour de futurs problèmes de santé, tels que des maladies liées au système immunitaire, dès les premières minutes de la vie ? L’exposition aux bactéries à la naissance entame le processus d’identification immunitaire, permettant au corps de distinguer les amis des ennemis. Un problème dans l’apprentissage de cette distinction nuit à la capacité du système immunitaire à déterminer le bon et le mauvais, et prédispose à des ennuis de santé tels que l'inflammation chronique, les maladies auto-immunes, l'allergie et les maladies chroniques [ 20 ]. Une étude menée sur des souris femelles sélectionnées pour mettre bas par césarienne ou naturellement a établi que les différences dans la microflore intestinale des nouveau-nés des deux groupes disparaissaient avec l’âge [ 4 ], mais que subsistaient, en revanche, les inégalités dans le système immunitaire entre les deux groupes, avec des niveaux de T-régulateurs inférieurs chez les souris nées par césarienne, par rapport à celles nées naturellement. Les T-régulateurs étant importants dans la reconnaissance des antigènes, cette donnée montre que l’exposition précoce peut avoir des effets graves sur la sensibilité à certaines maladies tout au long de la vie. De même, les maladies atopiques semblent apparaître plus souvent chez les nourrissons après une césarienne [ 19 ]. Les accouchements par césarienne ont aussi été corrélés à une augmentation significative du taux d’asthme et de la sensibilité aux allergies alimentaires [ 6, 16 ]. Les enfants nés par césarienne ont beaucoup plus de risque d’être atteints d’une maladie cœliaque et d'être hospitalisés pour une gastro-entérite [ 7 ]. De plus, la hausse du diabète de type 1 semble suivre cette tendance, une méta-analyse contrôlant plusieurs variables ayant trouvé 19% de diabète de type 1 en plus suite à des césariennes [ 5 ].


Plan d’Action

Alors, que faire ? La recherche n’en est qu’à ses débuts concernant la relation complexe entre la microflore gastro-intestinale du nourrisson et d’éventuelles maladies ultérieures. Bien qu'il n'existe actuellement aucune stratégie conventionnelle pour compenser les différences visibles entre l’accouchement naturel et l’accouchement par césarienne, de nouvelles pratiques relativement simples pourraient devenir le modèle des soins infantiles après une césarienne. Une stratégie simple à mettre en œuvre serait un traitement probiotique à base de bactéries d’espèces appropriées. L’efficacité de ce traitement sur le microbiome gastro-intestinal et le système immunitaire a été démontrée par l’étude sur la prévention des allergies infantiles de Swansea [ 1 ]. Cette étude a utilisé un test en double-aveugle, randomisé et avec contrôle placebo, pour évaluer les effets de l’administration de probiotiques pour la prévention des allergies chez les enfants. Des femmes enceintes (36 semaines de grossesse) ont reçu une gélule quotidienne de probiotiques contenant soit 10 milliards d’unités de Lactobacillus salivarius, de Lactobacillus paracasei, de Bifidobacterium animalis subsp. lactis et de Bifidobacterium bifidum, soit un placebo. Après la naissance, les enfants des participantes ont reçu un complément probiotique quotidien jusqu’à l’âge de 6 mois. La réponse allergique, mesurée par sensibilité dermique, a été évaluée à 6 mois et à 2 ans. Comparés au groupe placebo, les enfants du groupe probiotique ont montré une diminution de 57% de la sensibilité dermique, indiquant à quel point les probiotiques influent positivement sur la microflore intestinale et sur le développement du système immunitaire. Comme nous l’avons mentionné, l’allaitement est une autre bonne façon d’entretenir un microbiome intestinal sain, en ensemençant l’intestin du nourrisson avec des nutriments bénéfiques et en favorisant le développement d’un bon système immunitaire [ 17, 21 ]. Éviter les antibiotiques superflus et réduire les expositions environnementales peut également limiter la colonisation des bactéries pathogènes [ 18 ]. Des moyens plus directs d'exposition du nourrisson à la flore maternelle sont aussi à l’étude. La recherche s’intéresse maintenant à l’utilisation de prélèvements vaginaux pour « ensemencer » les enfants nés par césarienne. La procédure utilise un tampon de gaze exposé au vagin maternel avant la césarienne, puis utilisé pour tamponner le nourrisson de la tête aux pieds, favorisant l'exposition à ces bactéries bénéfiques [ 2, 22 ]. Les premiers résultats de cette procédure indiquent que les bactéries vaginales peuvent être partiellement réintroduites à la naissance chez les bébés nés par césarienne, mais des recherches complémentaires concernant l'efficacité à long terme sont nécessaires – sachant que les représentants de la médecine conventionnelle ne soutiennent pas la procédure [ 10, 13 ]. Alors que se développent de nouvelles recherches sur l’importance du microbiome intestinal pour la santé actuelle et future du nourrisson, il faut espérer que les stratégies visant à favoriser une écologie gastro-intestinale saine deviendront monnaie courante, contribuant à réduire les problèmes de santé ultérieurs chez ceux qui n’ont pas eu le choix sur la façon dont ils sont venus au monde.

En quittant l'hôpital, les parents reçoivent une avalanche d'informations sur l’hygiène, l'alimentation et les soins généraux à donner au nouveau venu. En ce qui concerne les différences sur le microbiome gastro-intestinal entre accouchement naturel et par césarienne, par contre, les informations relatives aux conséquences sur la santé à long terme peuvent être difficiles à trouver. Ce que nous savons, c’est que le développement du système immunitaire des nouveau-nés est influencé par les premières bactéries avec lesquelles ils entrent en contact, et que ce contact dépend du type d’accouchement. La recherche commence à établir un lien entre l’exposition précoce et le développement ultérieur de fonctions telles que celles relatives au système immunitaire. Fournir des stratégies visant à réduire ces différences peut aider l’enfant dans ses premiers pas vers la santé tout au long de la vie, avant même qu’il apprenne à marcher.