Acupuncture, Grossesse et Santé Périnatale - De la grossesse au blues post-natal.

Partie I : Acupuncture et Grossesse

S'il est formidable d'apprendre que l'on est enceinte, surtout pour les couples confrontés à des difficultés de fertilité, le parcours ne fait que commencer. Toutes les grossesses ne sont malheureusement pas une promenade de santé pendant 40 semaines. Certaines femmes sont confrontées à de sérieux problèmes, comme le saignement vaginal (et donc à une fausse couche présumée), suscitant du stress et de l'anxiété, et d'autres souffrent de nausées/vomissements graves. Bien que ces problèmes puissent être minimisés grâce à un mode de vie sain, une alimentation équilibrée et des exercices appropriés, une intervention médicale reste nécessaire pour certaines femmes. Dans le domaine de la médecine complémentaire, l'acupuncture s'est avérée grandement utile pour les femmes enceintes, surtout parce qu'elle a des effets secondaires minimaux, aussi bien pour la mère que pour le bébé.

La menace de fausse couche est le souci le plus sérieux pendant la grossesse. Environ 20% des femmes enceintes y sont confrontées et elle se traduit principalement par un saignement vaginal. Bien que la majorité des fausses couches soient attribuée à des anomalies chromosomiques, les raisons pour les autres sont souvent mal comprises. L'approche médicale conventionnelle du saignement vaginal est souvent "l'attente vigilante". Les patientes se reposent principalement sur des soins de soutien, comme l'abstinence de relations sexuelles, le repos alité, les techniques de relaxation et le soutien psychologique. L'acupuncture est une option thérapeutique complémentaire qui s'est avérée sans danger et relativement efficace.

Une étude a examiné les avantages globaux d'options de traitement par médecines complémentaires et alternatives (MCA) de la menace de fausse couche, et a conclu que les effets de l'acupuncture sur l'équilibre hormonal et la réduction du stress semblent améliorer le résultat clinique (1), bien que des données probantes supplémentaires dans ce domaine soient requises. Une autre étude confirme l'effet de l'acupuncture sur le profil hormonal des femmes enceintes, entraînant une réduction de la durée du saignement vaginal (2). La progestérone est une hormone qui réduit l'irritabilité de l'utérus et favorise le maintien de la grossesse. Comme de faibles concentrations de progestérone peuvent constituer un facteur contributif de fausse couche, l'effet de l'acupuncture sur les niveaux hormonaux peut aider à améliorer les résultats en cas de menace de fausse couche.

En plus des effets sur les niveaux hormonaux, l'acupuncture peut avoir ses propres effets sur l'utérus. Des études n'examinant pas directement la fausse couche, mais menées sur des femmes souffrant de problèmes pelviens/utérins, comme le fibrome et l'endométriose, entre autres, ainsi qu'une étude sur des femmes infécondes, ont montré les effets thérapeutiques de l'acupuncture, améliorant ces pathologies et augmentant le flux sanguin vers l'utérus (3,4). Ce sont des voies indépendantes et non hormonales par lesquelles l'acupuncture peut réduire le risque de fausse couche. Une étude a trouvé que des femmes ayant suivi un traitement régulier de fertilité à base d'acupuncture et de moxibustion (méthode consistant à appliquer une source de chaleur externe au-dessus d'un point à traiter) pendant trois cycles menstruels, ont vu leurs taux d'ovulation augmenter et leurs taux de fausse couche diminuer, comparé aux femmes ayant suivi un traitement au Clomid seul (5).

Dans la partie II, nous allons examiner le rôle de l'acupuncture pour un autre problème couramment rencontré durant la grossesse : les nausées et vomissements.

Les nausées et vomissements durant la grossesse, souvent appelés nausées matinales, affectent 60 à 70% des femmes enceintes (1). Ces symptômes ne se limitent pas seulement au matin, ils peuvent persister toute la journée. Bien qu'ils disparaissent habituellement après 16 semaines, c'est une nuisance qu'il faut supporter. Dans les cas plus graves, ils peuvent survenir sous forme d'hyperemesis gravidarum (nausées et vomissements sévères qui empêchent les femmes enceintes d'absorber des aliments en quantité suffisante pour la grossesse ou leurs propres besoins nutritifs).

Le mécanisme responsable de l'apparition de nausées durant la grossesse n'est pas très bien défini, mais on pense qu'il est composé en partie par l'action de l'hormone chorionique gonadotrope humaine (hCG) sur certaines parties du cerveau et sur le tube digestif (1,2). L'hormone hCG est "l'hormone de la grossesse" et augmente rapidement durant le premier trimestre, ce qui peut expliquer pourquoi la nausée est souvent pire à ce moment. Un de ses effets est de ralentir la vidange gastrique (élimination du contenu de l'estomac), ce qui pourrait favoriser la nausée (2).

Un certain nombre d'études ont montré que l'acupuncture traditionnelle aide à réduire la fréquence et la gravité des nausées et vomissements, comparé à l'acupuncture simulée ou l'absence de traitement, aussi bien durant la grossesse que pour d'autres populations (3,4,5). Une autre étude australienne impliquant 500 femmes, a trouvé que l'acupuncture hebdomadaire pendant quatre semaines réduisait grandement les épisodes de nausée et de haut-le-cœur chez les femmes enceintes, comparé à l'acupuncture simulée ou l'absence de traitement (4). Les effets ont été constatés au plus tôt au bout de deux semaines.

En plus de ses effets sur les nausées et vomissements, l'acupuncture s'est aussi avérée efficace pour l'hyperemesis gravidarum, comme thérapie complémentaire des traitements médicaux standards (6). Une petite étude coréenne a examiné l'utilisation d'un point unique d'acupuncture, appelé PC6, pour l'hyperemesis gravidarum, et a conclu que l'acupuncture en ce point spécifique réduisait les vomissements, la cétonurie (indiquant que la femme enceinte n'a pas mangé correctement), ainsi que le taux d'hospitalisation, comparé à un placebo ou l'absence de traitement (7). Pour finir, selon une revue systématique, les bienfaits de l'acupuncture ne se limitent pas aux nausées et vomissements quand elle est utilisée chez les femmes enceintes; elle est aussi efficace pour les douleurs du dos, qui apparaissent souvent aux derniers stades de la grossesse, ainsi que pour la présentation du siège du bébé et la gestion des douleurs de l'accouchement (7).

Dans la partie III, nous allons nous intéresser au rôle de l'acupuncture durant la récupération post-accouchement, surtout en ce qui concerne la santé maternelle.

La naissance d'un bébé en bonne santé est une occasion joyeuse, mais la transition vers ce nouveau statut de mère peut être difficile pour beaucoup de femmes. Cela se traduit par exemple par des challenges physiques et/ou émotionnels, une dépression post-partum ou des problèmes d'allaitement. Nous parlerons des problèmes d'allaitement dans la partie IV. Cette partie se concentre sur le rôle thérapeutique de l'acupuncture pour la dépression post-partum.

La dépression post-partum concerne 10 à 15% des femmes. C'est bien plus qu'un simple "trouble psychologique", car elle impacte aussi d'autres aspects de la santé, les niveaux énergétiques et la capacité de la mère à manger correctement et recommencer à pratiquer de l'exercice, entre autres activités liées à la santé (1). Un certain nombre de facteurs augmentent le risque de développer une dépression post-partum, dont le statut nutritionnel de la mère (2), et son niveau d'activité physique (3). Il est important de tenir compte de ces aspects de la dépression post-partum, et l'acupuncture est une thérapie qui peut aider, car elle ne requiert pas beaucoup d'énergie de la part de la mère et celle-ci peut même se reposer pendant ce temps.

L'acupuncture est un traitement efficace et bien documenté de la dépression (4,5). Quelle est son efficacité en ce qui concerne la dépression liée à la grossesse ? Les données probantes existantes sur le sujet sont encourageantes. Une étude impliquant 61 patientes en dépression post-natale a randomisé les sujets en deux groupes : un groupe a été traité par massothérapie, l'autre par acupuncture, pendant huit semaines. Les auteurs ont conclu que les patientes traitées par acupuncture ont montré de bien meilleurs résultats, comparé à celles ayant suivi la massothérapie (6). Une autre étude a comparé l'efficacité de l'acupuncture et celle de l'acupuncture simulée, pour traiter un trouble dépressif post-partum majeur. Ces patientes présentaient des symptômes légers au moment de l'étude. Les résultats de cette étude ont montré que l'acupuncture, simulée ou non, atténuait les symptômes dépressifs, comparé à la référence, et la différence entre les deux n'était pas statistiquement significative. Comme la dépression est un trouble psychologique, il est possible que l'effet placebo de l'acupuncture simulée ait un impact plus important que prévu (7).

Dans la partie IV, nous allons parler du rôle de l'acupuncture appliquée aux problèmes liés à l'allaitement. Lisez la suite...

Les mères de nouveau-nés ont souvent des difficultés à produire une quantité de lait suffisante et à allaiter correctement. Ce genre de problèmes est souvent source d'anxiété et de l'apparition d'autres problèmes pour la mère. La mastite est aussi un problème fréquent, elle cause une inflammation, des douleurs et des problèmes d'allaitement. L'acupuncture n'est pas forcément une thérapie à laquelle on pense quand ces problèmes surviennent, pourtant un nombre surprenant d'études ont été menées dans ce domaine, en plus de sa longue histoire d'utilisation traditionnelle. Dans cette partie, nous allons parler des avantages potentiels de l'acupuncture pour gérer les problèmes d'allaitement et la mastite.

Bien que beaucoup de mères comprennent les avantages de l'allaitement, les difficultés les conduisent souvent à arrêter prématurément d'allaiter. L'acupuncture somatique et l'acupuncture auriculaire ont donné des résultats prometteurs d'augmentation de la lactation chez les mères concernées par l'hypolactation (1,2). Une autre étude sur 90 mères de nouveau-nés, a comparé la durée d'allaitement (constatée par une sage-femme hebdomadairement pendant trois semaine) avec ou sans acupuncture deux fois par semaine pendant trois semaines. Le groupe d'observation avait statistiquement des durées d'allaitements plus courtes trois mois après accouchement, ce qui suggère que l'acupuncture peut aider les femmes à éviter ou surmonter les problèmes couramment rencontrés (4).

En Chine, l'acupuncture est souvent utilisée en complément de la médecine traditionnelle à base de plantes pour traiter les problèmes tels qu'une lactation insuffisante. Les concoctions chinoises à base de plantes ont souvent des goûts forts et désagréables; heureusement, selon une étude, l'acupuncture seule serait aussi efficace que les formules à base de plantes pour traiter la production insuffisante de lait (3).

La mastite, ou mammite, est une inflammation du sein causée par un certain nombre de facteurs comme l'engorgement des mamelles (hyperlactation), l'obstruction des canaux galactophores et l'infection bactérienne résultant d'une lésion cutanée du mamelon. C'est une affection douloureuse qui peut empêcher d'allaiter correctement. Les options de traitement de la mastite se limitent à des soins à domicile, comme des compresses froides, à moins qu'une infection bactérienne soit présente, auquel cas des antibiotiques doivent être prescrits. Le besoin d'interventions cliniques efficaces et sans danger pour la mastite, causant peu d'effets secondaires, est donc présent. Une étude chinoise sur 15 patientes a trouvé qu'un traitement quotidien d'acupuncture soulageait complètement les symptômes de la mastite en 2 jours et demi en moyenne (5) !

En résumé, l'acupuncture est une thérapie efficace qui peut être utilisée pour un grand nombre de problèmes gynécologiques et post-partum. Bien que des études plus rigoureuses soient requises pour mieux expliquer les effets de l'acupuncture sur ces affections, l'acupuncture entraîne peu d'effets secondaires et peut constituer une option efficace et sans danger pour les femmes.