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L’encéphalomyélite myalgique / Le syndrome de fatigue chronique

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L’encéphalomyélite myalgique / Le syndrome de fatigue chronique
Survol et options thérapeutiques

by Dr. Laura Tummon Simmons ND
www.lauratummonsimmons.com





Chronic Fatigue Syndrome Introduction

Selon l’Agence de la santé publique du Canada, le diagnostic d’encéphalomyélite myalgique / syndrome de fatigue chronique (EM/SFC) s’appliquait en 2010 à environ 1,4% des Canadiens au-dessus de 12 ans (1). Malheureusement, cette affection étant mal comprise du système médical, elle reste probablement non diagnostiquée chez beaucoup de patients. L’EM/SFC se définit comme une affection provoquant une fatigue profonde, généralement aggravée par l’effort (qu’il soit physique ou émotionnel), accompagnée d’un grand nombre de symptômes systémiques (2).

Critères diagnostics

L’EM/SFC est à l’heure actuelle un diagnostic par exclusion, c’est-à-dire que les nombreuses autres maladies qui pourraient expliquer une fatigue envahissante doivent toutes être écartées avant d’établir le diagnostic. Il n’y a malheureusement pas encore de consensus dans le monde médical sur la meilleure façon de diagnostiquer la maladie. Un exemple des critères possibles est donné par le Consensus canadien sur les critères (CCC) (2), selon lequel le patient doit présenter les symptômes suivants :

Chronic Fatigue Syndrome
  1. Fatigue profonde empêchant d’avoir une activité normale (les patients tendent à montrer une activité réduite de plus de 50%, et doivent parfois, suivant la gravité du mal, rester chez eux ou garder le lit).
  2. Fatigue et malaise après l’effort, physique ou cognitif, entrainant des comportements d’effondrement. C’est en contraste direct avec des affections comme la dépression, qui a tendance à être soulagée par l’effort.
  3. Troubles du sommeil, dans lesquels le patient présente des interruptions des cycles de sommeil visibles à l’analyse.
  4. Douleur migratoire chronique, d’intensité variable, dans les muscles et les articulations.
  5. Troubles et modifications cognitives, souvent décrites comme de la confusion mentale, et pouvant comporter des problèmes de concentration et des difficultés à trouver ses mots.
  6. Au moins un symptôme dans deux ou trois de ces catégories : Chronic Fatigue Syndrome

    a) Symptômes de troubles du système nerveux autonome (Par ex. mauvaise régulation de la tension artérielle, du rythme cardiaque, de l’activité sexuelle, et/ou de la digestion) ;
    b) Symptômes de troubles neuroendocriniens (par ex. mauvaise régulation de la température, manque de tolérance au stress) ;
    c) Symptômes de troubles immunitaires (par ex. symptômes d’infection tels qu’angine, adénopathie, état grippal).

  7. La maladie est chronique : présente depuis au moins 6 mois chez l’adulte et 3 mois chez l’enfant.
  8. Aucune autre affection ne permet d’expliquer la fatigue.
Analyses

Si un diagnostic d’EM/SFC est envisagé, une analyse de sang complète est nécessaire pour une bonne évaluation du cas. Il n’existe malheureusement aujourd’hui aucun test pour diagnostiquer cette affection (2). Les analyses sont plutôt utilisées pour écarter d’autres causes, pour s’assurer que d’autres affections comorbides sont bien traitées, ou pour améliorer l’état général du patient. Parmi les tests les plus nécessaires et pertinents généralement pratiqués, on trouve ceux qui permettent d’écarter l’anémie, les pathologies immunitaires, l’inflammation, les problèmes nutritionnels (carence en fer, vitamine B12, folate, vitamine D3), les troubles infectieux (par ex. VIH, EBV, maladie de Lyme), les pathologies hépatiques et rénales, les troubles hormonaux (hormones surrénales, thyroïdiennes ou sexuelles), et les affections rhumatismales. Bien qu’il s’agisse d’analyses approfondies, les résultats apparaissent souvent normaux, indépendamment de la gravité des symptômes du patient (2). Dans le processus thérapeutique, cela peut se révéler terriblement frustrant, tant pour le patient que pour le médecin, et conduire à l’hypothèse fausse que les symptômes sont liés à des troubles de l’humeur tels que la dépression.

Étiologies et facteurs contributifs possibles

Une part importante de la communauté médicale ne comprend hélas toujours pas quelles sont les causes responsables de l’EM/SFC. La principale explication de ce fait est que la plupart des patients atteints d’EM/SFC ont des antécédents d’infection biologique (infection chronique virale, bactérienne, fongique ou parasitaire) ayant entrainé diverses altérations dans la physiologie et l’activité organique. Il n’est pas rare que les patients puissent relier leur affection à un ensemble initial de symptômes dont ils ne se sont jamais vraiment remis (2).

Ces déclencheurs infectieux peuvent perturber la régulation immunitaire globale. On a pu montrer qu’au cours des trois premières années après le déclenchement de l’EM/SFC, les patients présentent des modifications perceptibles des médiateurs immunitaires, notamment la concentration en cytokines et chimiokines, par rapport à la moyenne de la population. Ces modifications s’inversent et ne sont plus perceptibles après la troisième année, ce qui peut expliquer les mauvais résultats du traitement après ce stade (3). Les autres altérations sont notamment : 1) une moindre activité des lymphocytes NK, entrainant un affaiblissement de l’activité immunitaire globale ; 2) un passage à une immunité à médiation par anticorps, pouvant contribuer chez ces patients à une augmentation des allergies et des sensibilités ; et 3) une suractivité des processus RNase pouvant provoquer une perméabilité des membranes mitochondriales cellulaires et une altération de la production énergétique (2).

Les patients atteints d’EM/SFC présentent également une faible activité mitochondriale entrainant une production d’énergie plus faible que la normale. Une étude publiée en 2016 a montré que les patients atteints d’EM/SFC étaient dans un état hypo-métabolique similaire au « stade dauer », ou état d’hibernation, par rapport à la moyenne de la population (4), contribuant fortement à l’épuisement débilitant de ces patients.

Solutions thérapeutiques

Le plus important, concernant les soins apportés aux patients atteints d’EM//SFC, est leur caractère individualisé. Les traitements qui suivent ont été regroupés par mode d’action.

Limiter les pertes énergétiques
Les patients atteints d’EM/SFC montrant généralement une forte intolérance au stress, la priorité des soins à long terme est de travailler à l’élaboration de stratégies de régulation et de gestion du stress. Ce qui peut souvent se révéler difficile au plan émotionnel, car cela suppose que la personne reconnaisse ses limitations énergétiques actuelles. La tenue d’un journal d’activité est un outil permettant d’évaluer la dépense énergétique de la personne (5). Dans ce journal, le patient note les activités en cours, périodes de repos, de sommeil, ainsi que son score sur l’Échelle de capacité fonctionnelle après avoir commencé une activité. Grâce à ces notes, le patient peut mieux évaluer son comportement et ses habitudes de repos, et est capable de développer si nécessaire de nouveaux modes de régulation. Lorsque le patient comprend mieux ses limites énergétiques et peut les prendre en compte, il est davantage en mesure de maitriser ses réserves d’énergie globales.

Améliorer l’absorption des nutriments
Les patients atteints d’EM/SFC éprouvent souvent des troubles digestifs plus ou moins marqués. Des affections telles que le syndrome du côlon irritable (SCI) sont souvent diagnostiquées (2). Toute altération de la motilité intestinale, de la flore bactérienne et de la digestion a des conséquences directes sur l’absorption des nutriments nécessaires à une bonne production énergétique. En outre, une fatigue excessive entraine souvent des changements de choix alimentaires. Les nécessités de la préparation et du nettoyage font que les patients ont parfois du mal à consommer suffisamment de calories et de nutriments. Ils ont tendance à privilégier les repas qui nécessitent moins de préparation, comme les plats préparés, ou peuvent simplement éviter de manger. En raison des transformations du système immunitaire, les patients peuvent aussi développer de nouvelles sensibilités alimentaires. Au cours du traitement, il peut être utile d’aider les patients à éviter les sensibilités alimentaires grâce aux régimes par élimination d’aliments tels que produits laitiers, œufs, céréales, maïs, soja, caféine et sucres, en fonction des besoins individuels. Il est également important de favoriser une absorption suffisante de nutriments en augmentant les apports caloriques et en encourageant les habitudes alimentaires régulières. Concernant les personnes qui ont de nombreuses allergies/sensibilités alimentaires, les rotations alimentaires peuvent être une technique utile.

Favoriser la production d’énergie
Un autre moyen de soulager les symptômes des personnes souffrant d’EM/SFC est la supplémentation visant à favoriser la production d’énergie mitochondriale cellulaire. Parmi les nutriments pouvant favoriser ce processus et augmenter la production énergétique, citons la coenzyme Q10 (CoQ10) (6), le D-ribose (7), la L-carnitine (8,9), et les complexes de vitamine B.

Favoriser un bon sommeil
Le sommeil étant souvent non réparateur chez ces patients, le fait de favoriser un sommeil profond est extrêmement important pour améliorer la récupération et la cognition. Les traitements permettant de développer de bons rythmes de sommeil comprennent des substances telles que la mélatonine (10,11), la lavande (12) et la valériane (13). Ces substances sont à utiliser avec précaution, puisqu’elles peuvent être sédatives et aggraver les symptômes de fatigue à trop hautes doses.

Chronic Fatigue Syndrome

Gérer la souffrance
La souffrance psychique est souvent mieux traitée par les thérapies physiques telles que l’acupuncture ou la pose de ventouses, qui ne présentent pas de risque d’interaction avec d’autres médicaments ou suppléments. Les études concernant l’efficacité de l’acupuncture chez les patients atteints d’EM/SFC semblent positives, quoique non décisives (14). Le D-ribose, déjà évoqué pour l’augmentation de la production énergétique, a aussi montré, dans une étude préliminaire, son utilité pour le traitement de la souffrance (7).

Contrôler l’humeur et les attentes
L’un des aspects les plus importants dans la prise en charge des patients souffrant d’EM/SFC concerne la prévention de la dépression en réaction à la maladie. Assurer un bon système d’accompagnement et limiter l’isolement est une priorité du traitement. La thérapie cognitive comportementale, bien qu’elle ne soigne pas l’affection elle-même, est l’une des formes de psychothérapie permettant de modifier les schémas de pensée négatifs et d’aider les patients à surmonter les effets de l’EM/SFC sur la vie quotidienne (2).

Considérations importantes pour le suivi thérapeutique

Tout d’abord, en raison de la stigmatisation malheureuse attachée au diagnostic d’EM/SFC, qui serait une maladie strictement psychosomatique, il est important de rappeler que les symptômes résultent de causes physiologiques réelles. Le praticien doit prendre en compte l’expérience et les symptômes du patient, ce qui peut se révéler une étape décisive pour l’évolution des soins et l’établissement du rapport thérapeutique.

Chronic Fatigue Syndrome

Ensuite, en raison des perturbations cognitives et de la fatigue provoquées par l’affection, tout changement dans les habitudes quotidiennes doit être prudent et progressif. Des solutions qui peuvent s’appliquer en une seule fois dans la population générale doivent souvent être divisées en plusieurs étapes chez les patients atteints d’EM/SFC, pour éviter les conséquences d’un surmenage. Les modifications alimentaires, par exemple, se feront un repas après l’autre (modifier d’abord le petit déjeuner, puis le déjeuner, et enfin le diner), ou par utilisation de légumes surgelés prédécoupés plutôt que de légumes frais. Les changements nutritionnels sont à considérer en fonction du travail qu’ils impliquent (y compris le temps de découpage et de lavage des fruits et légumes frais, par exemple). Tout changement dans les activités physiques devrait aussi être progressif, sans augmentation ou modification radicales. Travailler avec un professionnel pour mettre en place ces étapes peut être un atout précieux.

Enfin, les patients souffrant d’EM/SFC ont tendance à être particulièrement sensibles aux substances prescrites (qu’elles soient pharmaceutiques ou nutraceutiques) (2). Ces patients peuvent éprouver plus fortement les effets secondaires des médicaments. L’introduction de nouvelles substances ou la modification des dosages devraient se faire progressivement et de façon méthodique. Toute forme d’interaction doit être évitée. La dose initiale de tout traitement peut souvent être une partie de la posologie de départ habituelle, à augmenter graduellement.

Conclusions

En raison de la nature multifactorielle de l’EM/SFC, il est extrêmement important de traiter chaque cas individuellement. Une bonne évaluation et un diagnostic approprié sont essentiels pour obtenir un soulagement des symptômes, en orientant les soins dans la bonne direction. Bien qu’il s’agisse d’une affection complexe, il est possible d’améliorer considérablement la qualité de vie grâce à des choix cohérents inspirés par le patient.