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La dermatite atopique - Un sujet qui démange

Crystal Ceh
HBSc, ND

24 July 2014
Français

La dermatite atopique - Un sujet qui démange
by: Crystal Ceh HBSc., ND

Toronto, Ontario
www.Crystalcehnd.com



What is atopic dermatitis


Qu’est-ce que la dermatite atopique ?

La dermatite atopique, appelée aussi eczéma, est une maladie inflammatoire cutanée chronique et/ou récurrente, qui se déclare souvent pendant l’enfance et persiste à l’âge adulte (1-3). D’après l’Association mondiale de l’allergie, le terme « atopique » désigne une prédisposition génétique à développer une réaction allergique et à produire des anticorps IgE en réponse à l’exposition à des allergènes, généralement des protéines (1-2,4). L’eczéma est associé à un certain nombre de troubles atopiques tels que les allergies alimentaires, les allergies saisonnières et l’asthme, ce qui suggère une pathogenèse commune et un risque plus élevé chez les personnes ayant des antécédents familiaux pour ces affections (1,3). Les éruptions eczémateuses ne sont pourtant pas toutes atopiques, témoin les éruptions provoquées par le sumac vénéneux ou par contact avec des substances chimiques irritantes (les deux étant des dermatites de contact). Dans cet article, nous utiliserons indifféremment les termes de dermatite atopique et d’eczéma.

Bien que les éruptions puissent se produire n’importe où sur le corps, l’eczéma atteint généralement les bébés sur les joues et les membres, alors que chez les adultes il affecte plutôt les zones de flexion telles que les plis du cou, des coudes et des genoux (3). Les symptômes de l’eczéma comprennent : sècheresse cutanée, rougeur, éruption, desquamation, gonflement, suintement, forte démangeaison, et épaississement de la peau dû au grattage chronique des lésions. L’eczéma peut entrainer un grattage irrépressible provoquant saignements, insomnies, mauvaise concentration, détresse psychologique et perte d’estime de soi (1-3). Parmi les autres symptômes alarmants, citons les éruptions autour des yeux, les infections bactériennes secondaires dues au grattage, ou certaines maladies rares comme l’érythrodermie (éruption cutanée généralisée accompagnée d’une importante desquamation), qui nécessitent toutes le renvoi rapide vers un spécialiste. Le diagnostic est généralement fait après examen clinique et prise en compte des antécédents, la gravité du mal étant évaluée d’après l’échelle SCORAD (de l’anglais scoring of atopic dermatitis) ou SASSAD (de l’anglais six area, six sign atopic dermatitis) (3). L’eczéma est souvent aggravé par un temps sec, par des douches ou bains chauds, des tissus rugueux comme la laine, et des études ont suggéré que le stress et le manque de sommeil affaiblissaient la fonction protectrice de l’épiderme, accentuant l’incidence de l’eczéma (1,5).

L’eczéma est une affection très courante, présente dans le monde entier et affectant jusqu’à 20% des enfants et 3% des adultes, et dont l’incidence est en augmentation, particulièrement dans les pays développés (4). Le poids économique du traitement de l’eczéma est comparable à celui de l’épilepsie, de l’emphysème, et d’autres maladies chroniques (1). Bien qu’il existe plusieurs traitements conventionnels de l’eczéma, ils n’en soignent généralement que les symptômes. La prévention et la guérison de l'eczéma sont donc primordiales pour réduire le poids de cette maladie, dont nous allons maintenant examiner les causes possibles.


What are the causes of eczema D’où vient l’eczéma ? Désinfecter ou non : la thèse hygiénique

Si la chasse aux microbes a limité la propagation des maladies et des infections dans les pays industrialisés, les données épidémiologiques indiquent qu'il y a une augmentation de l'incidence des maladies atopiques telles que l'eczéma. Le chercheur Strachan est à l’origine, au début des années 90, de la « thèse hygiénique » ; il a observé une corrélation entre les familles de petite taille, donc moins exposées aux agents infectieux, et la forte incidence des maladies allergiques (6-7). Dans les pays en développement, où les normes sanitaires n’existent pas et dans lesquels les infections parasitaires prédominent, la prévalence des maladies allergiques reste faible (8). Les études migratoires ont également montré que les migrants passant de pays à faible incidence à pays à forte incidence d’allergies, avaient à la génération suivante une forte incidence d’allergie (8).
Cette hypothèse suggère qu’il existe un déséquilibre entre les cellules immunitaires adaptatives et les réponses des lymphocytes T auxiliaires (LTA) 1 et 2. Le peu d’exposition bactérienne et virale lors de la petite enfance, qui favorise normalement une forte réaction des LTA1, conduit le système immunitaire à une réaction prédominante des LTA2, régulant aussi à la baisse les LTA1 et prédisposant aux maladies atopiques (6-8). Pour l’essentiel, les infections infantiles amènent le système immunitaire à privilégier un type réponse immunitaire. Quoi qu’il en soit, cette thèse n’explique pas tous les mécanismes immunitaires en jeu, ni l’augmentation concomitante des maladies auto-immunes à LTA1 telles que la maladie de Crohn et la sclérose en plaques.

Les germes intestinaux : l’hypothèse microbienne

Les bactéries intestinales humaines, dont le nombre par rapport à nos cellules est dans un rapport de 10 à 1, représentent la plus forte exposition microbienne chez les jeunes enfants (9). En temps normal, ces bactéries favorables ou commensales remplissent plusieurs fonctions au sein du système gastro-intestinal humain, comme la décomposition des fibres alimentaires non digérées, la libération des vitamines essentielles, ainsi que la régulation de la croissance et de la différenciation cellulaire intestinale (9,10). Une des plus importantes fonctions des microbes intestinaux est la stimulation de notre principal organe immunitaire, le tissu lymphoïde du tube digestif, ainsi que l’augmentation de la tolérance aux substances inoffensives, dont la nourriture. La stimulation opère tout au long de la vie, mais serait particulièrement critique lors des phases pré- et post-natales (10). La colonisation par ces « bonnes » bactéries intervient immédiatement après la naissance et est influencée par le type d’accouchement, le microbiote maternel, les gènes, l’allaitement au sein et d’autres facteurs environnementaux (10,11). Plusieurs études épidémiologiques ont démontré qu’il existe une relation entre le microbiote intestinal et la prévalence de l’eczéma et des allergies, mais, de même que pour la thèse hygiénique, l’hypothèse microbienne peine à expliquer les mécanismes impliqués dans le développement de l’eczéma et des autres maladies atopiques.

Le rôle du gène filaggrine

La fonction première de la peau, le plus grand organe du corps, est d’agir comme une barrière protectrice entre ce dernier et l’environnement extérieur, minimisant les pertes d’eau et prévenant l’intrusion dans le système des agents pathogènes et allergènes (12). L’un des gènes-clés impliqués dans la formation d’une barrière cutanée fonctionnelle est la filaggrine (FLG), codant les protéines qui, dans la peau, évitent les pertes d’eau et l’entrée des microbes. De nombreuses études sur l’homme ont montré que des mutations de ce gène sont corrélées à un mauvais fonctionnement de la barrière cutanée, conduisant à une peau sèche et irritée et une plus forte incidence de l’eczéma (13). Les chercheurs pensent aujourd’hui que ce défaut dans la barrière cutanée prépare le terrain à la sensibilité allergique et, finalement, à l'eczéma (12,13). Nous allons maintenant examiner le rôle du stress dans l’exacerbation de l’eczéma.


Stress and the skin: the role of psychoneuroimmunology Le stress et la peau : le rôle de la psycho-neuro-immunologie

Bien qu’il soit généralement admis que le stress est un facteur contributif pertinent de nombreuses maladies chroniques, dont l’eczéma, le champ de la psycho-neuro-immunologie fournit aujourd’hui des indications quant à la façon dont le stress entraine des changements physiologiques dans l’organisme. La psycho-neuro-immunologie est l’étude des interactions complexes entre le système nerveux central (SNC), le système endocrinien et le système immunitaire (14). Le stress psychologique est globalement défini comme un événement ou une requête environnementale, réelle ou imaginaire, qui excède la capacité de la personne à y faire face, et peut être subdivisé en stress aigu et chronique (14). Dans certains cas, le stress aigu peut être adaptatif, par exemple dans les situations de type « lutter ou fuir », dans lesquelles l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) et le système nerveux sympathique (SNS) prépare l’organisme à répondre à la situation en accélérant le rythme cardiaque et respiratoire, en augmentant la glycémie et la circulation sanguine vers les muscles squelettiques (15). Pour sa part, le stress chronique a davantage d’effets délétères, tels que d’accroitre la susceptibilité aux infections et leur gravité, de ralentir la cicatrisation des plaies et d’augmenter notablement la production de cytokines pro-inflammatoires (14).

La peau, qui renferme un réseau dense de fibres sensorielles, utilise de nombreux neurotransmetteurs et récepteurs également présents dans le système nerveux central, dont la sérotonine, la corticolibérine et la substance P (16). La peau est aussi intimement liée aux systèmes immunitaire, nerveux et endocrinien, et est en communication réciproque avec eux par l’intermédiaire de messagers chimiques (16). On a pu montrer qu’une dérégulation de ces messagers chimiques contribuait à la pathophysiologie de l’eczéma.

Une étude portant sur des personnes avec ou sans eczéma les a exposées à un test de stress psychosocial dans lequel elles devaient prendre la parole et faire des opérations arithmétiques devant un public. Les résultats ont révélé que les personnes atteintes d’eczéma avaient, après le test, un taux élevé d’éosinophiles circulants, considérés comme ayant un rôle-clé dans les inflammations allergiques chroniques et l’eczéma (17). Les résultats ont également montré que les patients atteints d’eczéma avaient un taux d’anticorps IgE circulants significativement élevé 24 heures après l’exposition aux facteurs de stress. On sait que les IgE sont des molécules importantes dans la pathologie de l’eczéma, puisqu’ils stimulent les cellules basophiles et les mastocytes contribuant aux réactions d’hypersensibilité immédiate (17). De plus, les IgE permettent aux autres cellules d’activer la réponse immunitaire LTA2.

Dans une autre étude, les chercheurs se sont intéressés à la façon dont le stress affecte la fonction de barrière de la peau. Les participants étaient d’abord évalués lors d’une période de faible stress (à la suite des vacances d’hiver), puis pendant une période de stress élevé (lors des examens de février), et enfin 4 semaines après celle-ci (18). Par l’utilisation d’un évaporimètre, du Profile of Mood States (POMS) et de l’Échelle de perception du stress (EPS), les chercheurs ont pu montrer que les participants qui éprouvaient le plus fort niveau de stress avaient aussi la plus forte réduction de la fonction de barrière de la peau, avec augmentation de la perte hydrique transcutanée et exacerbation des lésions cutanées suite à une agression physique de l'épiderme (18). Les auteurs concluent que l’étude démontre la pertinence clinique du rôle du stress dans le déclenchement ou l’accentuation d’un trouble inflammatoire courant comme l’eczéma.


Naturopathic approaches for the management of eczema Approches naturopathiques de l’eczéma Les probiotiques

S’appuyant sur d’importantes recherches et des données probantes, les probiotiques ont attiré d'attention comme thérapie pour de nombreuses affections, y compris pour la prévention et le traitement de l'eczéma. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les probiotiques sont « des micro-organismes vivants qui, administrés en quantité adéquate, sont bénéfiques pour la santé de l’hôte » (19). Plusieurs essais aléatoires contrôlés ont révélé qu’une supplémentation en probiotiques pendant les périodes pré- et post-natales réduisait significativement l’incidence cumulative de l’eczéma à l’âge de 2 ans (20-25). Par ailleurs, on sait que l’allaitement au sein est un facteur de régulation immunitaire aidant à protéger contre le développement des troubles allergiques, les études ayant montré que l’allaitement au sein exclusif pendant au moins 6 mois réduisait de façon importante le risque de développer un eczéma chez les nourrissons à haut risque (19,26). Enfin, une méta-analyse sur l’impact d’une supplémentation maternelle en probiotiques a montré une diminution significative du risque d’eczéma chez les enfants de 2 à 7 ans par l’utilisation de lactobacilles, par rapport à un placebo (27). Des effets préventifs ont été observés avec les souches suivantes : Lactobacillus rhamnosus GG, L. acidophilus, L. sakei, L. salivarius, L. fermentum, B. lactis, et B. Bifidum (19).

De même, les probiotiques ont fait preuve de leur efficacité dans le traitement de l’eczéma. Une étude de 2012 portant sur des enfants de 1 à 3 ans ayant des antécédents d’eczéma a montré qu’une supplémentation de 8 semaines par une combinaison de B. Bifidum, L. acidophilus, L. casei, et L. salivarius entrainait une réduction significative du mal sur l’échelle SCORAD, et une diminution du taux d’IgE et de cytokines associées aux allergies par rapport au placebo (19). Une étude similaire réalisée par Drago et coll. a révélé que des adultes supplémentés avec L. salivarius LS01 pendant 16 semaines montraient aussi une réduction significative sur l’échelle SCORAD et une baisse du ratio LTA1/LTA2, par rapport au placebo (19). Pourtant, sur la base des revues systématiques et des méta-analyses, l’efficacité des probiotiques dans le traitement de l’eczéma reste non concluante. La raison en est peut-être l’hétérogénéité des études, à la fois quant aux populations étudiées et quant au choix des souches de probiotiques utilisées.

Le régime hypoallergénique

Beaucoup de cliniciens pensent que les allergènes alimentaires pourraient être des déclencheurs importants de l’eczéma, les sensibilités au lait de vache, aux œufs, au blé et au soja étant les principaux coupables (28). Le régime hypoallergénique supprime les allergènes alimentaires courants pendant une période allant de 3 semaines à plusieurs mois, avant de les réintroduire progressivement pour déterminer si une aggravation se produit. De multiples études ont été publiées sur les régimes sans œufs et sans lait de vache, les plus forts soulagements des symptômes d’eczéma se produisant avec les régimes sans œufs chez les enfants souffrant d’allergie reconnue aux œufs (28).

Selon un rapport allemand de l’EAACI, suivre un régime hypoallergénique sur une période minimale de 3 semaines peut être utile pour les cas graves d’eczéma (29). Par ailleurs, une étude pilote portant sur 100 nourrissons et enfants a révélé que l’élimination de certains aliments allergéniques entrainait une réduction significative de la gravité de l’eczéma, mesurée sur l’échelle SCORAD (30). Enfin, une étude plus récente menée sur des adultes a établi que la prescription d’un régime hypoallergénique d’une durée de 3 semaines a abouti à une baisse de gravité des paramètres subjectifs et de tous les paramètres SCORAD objectifs, en dehors de la lichénification (31). Malheureusement, le régime hypoallergénique est critiqué en raison du nombre insuffisant d’essais aléatoires contrôlés rigoureux, et du fait que l’élimination de groupes alimentaires peut entrainer une malnutrition, notamment chez les enfants en période de croissance. Il existe néanmoins des preuves théoriques et empiriques permettant de prescrire un régime hypoallergénique de 3 semaines au moins, pour déterminer si des allergies alimentaires jouent un rôle dans l'eczéma d’un patient, les cliniciens surveillant de près son alimentation et supplémentant les nutriments pouvant être déficients.

Les nutriments spécifiques pour la peau

Plusieurs nutriments ont été associés à la fonction de barrière de la peau, à la réduction de l’inflammation et au traitement des symptômes de l’eczéma. La thérapie locale reste primordiale pour soigner ces symptômes tels que la sècheresse cutanée, l’inflammation et les démangeaisons. Les émollients hypoallergéniques aident à réduire la perte hydrique transcutanée, à entretenir le taux de céramide épidermique, et à soulager les démangeaisons (32). Un récent essai clinique en double aveugle contrôlé par placebo a révélé que l’application locale de vitamine B12 réduisait notablement les lésions eczémateuses après 2 et 4 semaines d’utilisation (33).

Les études suggèrent également que les acides gras oméga 3 EPA et DHA sont incorporés dans les céramides épidermiques, permettant de réduire la perméabilité cutanée, la sècheresse, les démangeaisons et l’activité inflammatoire de la peau (34). Des études ont également montré que l’utilisation de 500 mg d’huile d’onagre contenant 40 mg de GLA et 10 mg de vitamine E réduisait significativement les symptômes de l’eczéma chez les enfants après 16 semaines (35). Enfin, la supplémentation à 1600 IU de vitamine D3 et 600 IU de vitamine E (alpha-tocophérol) diminuait de façon importante les résultats SCORAD chez les patients souffrant d’eczéma après 60 jours de traitement (36). Étant donnée la complexité de l’eczéma, le médecin naturopathe devra utiliser des traitements variés et tenter d’agir à la fois sur les symptômes et sur les causes de cette affection.