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La berbérine : Une panacée pour les diabétiques ?

Tal Friedman
BKin, ND

30 November 2015
Français

La berbérine : Une panacée pour les diabétiques ?
by Tal Friedman, ND




La berbérine : Une panacée pour les diabétiques ?

Introduction

La berbérine est une substance récemment mise en valeur par les médias pour ses nombreux effets positifs sur la santé, particulièrement pour les diabétiques. Mais mérite-t-elle vraiment toutes ces louanges ? Examinons la question d’un point de vue scientifique. La berbérine est un alcaloïde extrait d’une grande variété de plantes, et notamment de celles qui sont utilisées depuis longtemps par la médecine traditionnelle chinoise. Parmi elles, on trouve Berberis aristata, Berberis aquifolium, Berberis vulgaris, Coptis chinensis et Hydrastis canadensis. Ces plantes étaient autrefois utilisées en traitement des infections microbiennes et comme anti-inflammatoire et anti-diarrhéique. Plus récemment, de nombreuses études réalisées ces dernières années, aussi bien in vivo qu’in vitro, ont montré que la berbérine pouvait avoir quelques puissants effets bénéfiques pour la santé humaine. Une grande partie de ces effets sont dus au fait que la berbérine peut activer une enzyme, l’AMPK (de l’anglais adenosine monophosphate-activated protein kinase). Pour faire simple, l’AMPK est un détecteur d’énergie cellulaire. Quand le niveau d’énergie chute, à cause d’un jeûne ou d’un exercice intense, par exemple, l’AMPK est activée. On pense que cette activation est responsable des nombreux effets bénéfiques de l’effort physique, tels que la biogenèse mitochondriale (la fabrication de nouvelles mitochondries), l’augmentation de l’absorption du sucre par les cellules musculaires et des réserves de glycogène musculaire.


Les effets sur la glycémie Les effets sur la glycémie

Cette action de la berbérine sur l’AMPK est l’une des principales raisons de l’intérêt suscité par ses effets sur la régulation glycémique. L’activation de l’AMPK est le principe actif d’un médicament contre le diabète bien connu, la metformine (Glucophage). Au cours des essais sur l’homme, la berbérine a montré des résultats impressionnants à cet égard.

Voyons quelques-unes de ces études. Dans l’une d’entre elles, 116 personnes récemment diagnostiquées diabétiques de type 2 ont reçu 500 mg de berbérine deux fois par jour, ou un placebo [ 1 ].

Trois mois plus tard, les participants ayant reçu de la berbérine ont montré une importante réduction du taux d’hémoglobine A1c, passant de 7,5% à 6,6%. Ils bénéficiaient en même temps d’une forte réduction du cholestérol total, du cholestérol LDL, des triglycérides et de la tension systolique [ 1 ]. Cinq des participants de ce groupe ont rapporté des problèmes de constipation, dont deux ont dû réduire leur dose à 250 mg deux fois par jour pour soulager ces symptômes [ 1 ]. Voyons maintenant un article faisant état de deux études distinctes. La première était aussi un essai portant sur des personnes nouvellement diagnostiquées diabétiques [ 2 ].

Cet essai comparait la prise de 500 mg de berbérine trois fois par jour au traitement habituel à la metformine [ 2 ]. Après treize semaines, les résultats de la berbérine étaient aussi bons que ceux de la metformine en ce qui concerne la réduction de l’hémoglobine A1c [ 2 ], et montraient en plus des effets bénéfiques sur le cholestérol total et les triglycérides que n’avait pas la metformine. Dans la deuxième étude, la berbérine était prise en plus du traitement conventionnel, chez des personnes atteintes de diabète de type 2 mal contrôlé [ 2 ].

Une réduction de l'hémoglobine A1c par la berbérine a été constatée sur la période d'étude de treize semaines, ainsi qu'une amélioration de la sensibilité à l'insuline et des lipides sanguins [ 2 ]. De légers symptômes gastro-intestinaux ont été rapportés au cours de l’essai, mais ont aussi été résolus par une réduction des doses [ 2 ].

Dans un autre essai, la berbérine a de nouveau été mise en concurrence avec la metformine ainsi qu’avec un autre antidiabétique bien connu, la rosiglitazone [ 3 ]. Après deux mois, les résultats ont montré une baisse de la glycémie à jeun et de l'hémoglobine glyquée pour la berbérine correspondant aux résultats pour la metformine et la rosiglitazone. Ici encore, seul le groupe traité à la berbérine a vu une baisse statistique des taux de triglycérides.

La régulation glycémique ne concerne pas uniquement le diabète mais de nombreux autres troubles parmi lesquels l’obésité et le syndrome des ovaires polykystiques. Passons maintenant en revue quelques études sur l’utilisation de la berbérine dans le traitement de ces troubles.


La perte de poids La perte de poids

Une étude sur des personnes ayant récemment fait l’objet d’un diagnostic de syndrome métabolique a établi qu’une dose de 300 mg de berbérine trois fois par jour (900 mg en tout) pendant 12 semaines avait un impact significatif sur l’indice de masse corporelle (IMC), le faisant passer de 31,5 à 27,4 [ 4 ], ce qui équivaut à une diminution moyenne de 13%, et une réduction moyenne du tour de taille de 5,5% [ 4 ]. Masse maigre et masse grasse n’étaient pas mesurées dans cette étude [ 4 ]. Une autre étude a suivi des personnes obèses mais en bonne santé prenant 500 mg de berbérine trois fois par jour (1500 mg en tout) pendant 12 semaines [ 5 ]. Sans aucune prise d’exercice, une réduction notable du poids, d'environ 5 livres, a été observée, ainsi qu’une baisse de 3,6% du tissu adipeux [ 5 ]. Bien que le régime alimentaire n’ait pas été modifié, deux participants ont rapporté une baisse de l’appétit [ 5 ].


Le SOPK

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est une maladie féminine assez fréquente liée à la résistance à l’insuline. La metformine étant un médicament communément prescrit dans le traitement du SOPK, il était souhaitable d’évaluer l’efficacité de la berbérine dans ce même cas. Une étude a donc comparé les effets de la berbérine et de la metformine, à côté de la thérapie standard (anti-androgènes et œstrogènes) [ 6 ]. La berbérine et la metformine ont été administrées à la dose quotidienne de 1500 mg divisée en trois prises, contre un placebo, sur une période de 3 mois. Les résultats indiquent que la berbérine est associée à une plus forte réduction du tour de taille (bien que sans différence notable de poids), mais aucune différence significative n’a été relevée avec le placebo, que ce soit pour la berbérine ou la metformine, concernant la résistance à l'insuline ou la glycémie [ 6 ].


Inconvénients

Il ne faut jamais oublier que toute substance ayant des effets médicaux attestés aura probablement aussi quelques effets secondaires semblables à ceux des traitements pharmaceutiques efficaces, et la berbérine ne fait pas exception à cette règle. En premier lieu, il semble que la berbérine puisse inhiber quelques enzymes hépatiques, à savoir CYP3A4 et CYP2D6 [ 7,9 ]. Les résultats des études citées ont été confirmés chez l’homme, prouvant que la berbérine inhibe en effet des enzymes du foie [ 7,9 ]. Ce point est très important dans la mesure où ces enzymes sont impliquées dans le métabolisme d’une grande variété de médicaments. Vous avez peut-être déjà été prévenue de ne pas boire de jus de pamplemousse pendant un traitement médical : il s’agit du même type d’interaction. Si vous suivez un traitement, il est important de vérifier avec votre médecin si la berbérine n’est pas contre-indiquée, car il y a de fortes chances qu’elle interagisse avec vos médicaments – donc, prenez vos précautions.


Les muscles Les muscles

Avec l’âge, nous commençons tous à perdre progressivement de la masse musculaire, le plus souvent à partir de 50 ans. Cette perte est une conséquence normale du vieillissement, que l’on observe même chez les athlètes qui poursuivent leur entrainement. Naturellement, les personnes qui s’entrainent ont une perte bien moins marquée que les autres. Pourquoi est-ce important et quel est le rapport avec la berbérine ?

Nous avons dit plus haut que la berbérine activait l’AMPK, et que celle-ci était sans doute responsable de quelques-uns des bienfaits de l’activité physique. L’AMPK peut augmenter le taux d’une protéine, l’atrogine 1 [ 10 ]. Cette augmentation provoque une dégradation musculaire et inhibe la synthèse de nouvelles protéines responsables de la construction du muscle. On a observé cet effet d’atrophie musculaire chez des souris ayant reçu des injections de berbérine [ 10 ].

L’exercice physique entraine l’activation de beaucoup d’enzymes et de protéines, et non seulement de l’AMPK. Ces autres signaux contrebalancent les effets de l’AMPK, permettant d’en tirer les avantages et d’en éviter les inconvénients. Il serait donc prudent, quand on prend de la berbérine, de pratiquer un entrainement physique, en particulier des exercices d’endurance, afin de contrer ces effets de réduction musculaire.

Nous avons déjà signalé que la berbérine peut provoquer quelques légers troubles gastro-intestinaux [ 1,2 ]. Si vous éprouvez ces symptômes, parlez-en à votre médecin afin de réduire la dose.


Conclusion

La berbérine apparait comme un traitement très efficace des effets du diabète. Elle agit au même niveau que les traitements conventionnels, la metformine et la rosiglitazone. En réduisant les taux de cholestérol et de triglycérides, elle présente aussi des bénéfices dans le traitement du syndrome métabolique – et on sait à quel point le diabète et le syndrome métabolique vont généralement de pair. Cela étant dit, la berbérine présente aussi quelques inconvénients que nous avons mentionnés. Elle peut interagir avec d’autres traitements, avoir des effets négatifs sur la synthèse protéique des tissus musculaires, et provoquer des troubles gastro-intestinaux. Nous devons toujours nous rappeler que lorsqu’un traitement, qu’il soit conventionnel ou naturel, est aussi puissant, il faut s’attendre à ce qu’il ait des effets secondaires. La prudence s’impose donc.

Que sort-il de tout cela ? Que la berbérine est un extraordinaire atout pour un traitement équilibré du diabète et du syndrome métabolique, traitement qui doit inclure aussi un régime alimentaire adapté, une activité physique et un suivi régulier pour évaluer son efficacité. Et comme toujours, parlez avec votre médecin pour trouver le meilleur plan d’action dans votre cas.