Aller au contenu principal

La vitamine B6, le tryptophane et les autres influenceurs de la sérotonine et du GABA

Français

Les traitements du trouble dysphorique prémenstruel (TDPM)
by Dr. Sarah Zadek (King) ND
Upper Beach Health & Wellness
1937 Gerrard St E
Toronto, ON M4L2C2




PMDD

Les fluctuations du taux d’hormones sexuelles au cours du cycle menstruel peuvent avoir des conséquences sur le niveau d’énergie et l’humeur, et provoquer des symptômes physiques, le plus souvent en fin de phase lutéale. Ces symptômes peuvent pourtant apparaitre dès l’ovulation et se poursuivre jusqu’aux règles, comme c’est souvent le cas dans le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM), une affection grave et spécifique, inscrite au DSM-5 et reconnue pour ses importants symptômes cognitifs et affectifs [1].

Outre l’humeur dépressive, l’anxiété, l’instabilité affective (sensibilité accrue, larmes), la colère et une irritabilité persistante, les femmes qui en sont atteintes font souvent état d’un sentiment de désespoir [1]. En raison de la similarité des symptômes et d’une importante comorbidité entre les syndromes dépressifs et le TDPM, on pense que ces affections ont un même substrat neurologique [2].

La principale hypothèse concernant l’étiologie du TDPM suppose une perturbation sérotonergique, en particulier si l’on prend on compte l’efficacité des antidépresseurs sérotonergiques dans le traitement du TDPM par rapport aux autres types d’antidépresseurs [3]. Le système sérotonergique semble être le plus impliqué, bien que d’autres neurotransmetteurs, comme le GABA, puissent également jouer un rôle. Dans l’état actuel de nos connaissances, une supplémentation en cofacteurs-clés nécessaires à la synthèse et au métabolisme de ce neurotransmetteur pourrait constituer un traitement alternatif ou d’appoint en cas de dépression ou de troubles de l’humeur associés au TDPM.

Timing et modifications hormonales

L’apparition des symptômes étant cyclique, on a d’abord supposé que les variations des taux d’œstrogènes et de progestérone étaient à l’origine du TDPM. On n’observe pourtant aucune anomalie hormonale ovarienne, en dépit de l’anxiété et des sautes d’humeur que ces femmes éprouvent [4]. Le calendrier d’apparition des symptômes est également remarquable : la baisse lutéale du taux de progestérone juste avant les règles ne peut être une cause directe, puisque les symptômes ont tendance à apparaître juste après l’ovulation. Il s’agit là d’une distinction majeure entre le syndrome prémenstruel (SPM) et le TDPM.

Les symptômes liés à l’humeur seraient plutôt une réaction atténuée à ces variations hormonales. On a observé, chez le rat et les primates non humains, une sensibilité du système nerveux central (SNC) aux modifications des hormones sexuelles, et l’on sait que les hormones stéroïdes sexuelles modulent la transmission de la sérotonine [3].

Le traitement antidépresseur sérotoninergique PMDD

Des observations menées sur des femmes atteintes de TDPM ont révélé un taux anormal de sérotonine sanguine et d’absorption de la sérotonine plaquettaire [5]. Il y aurait donc chez elles une réponse atténuée aux hormones ne produisant pas de récepteurs sérotoninergiques adéquats [6].

La plupart des traitements du TDPM étudiés se concentrent sur l’utilisation d’antidépresseurs. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), qui constituent le traitement classique du TDPM et des troubles de l’humeur liés au SPM, augmentent le taux de GABA en plus d’influer sur la concentration en sérotonine [7].

Leur efficacité dans le traitement du SPM et du TDPM est d’environ 75%, contre 35% pour le placebo. Cet effet est propre aux antidépresseurs sérotoninergiques, comprenant les antidépresseurs tricycliques sérotoninergiques et la venlafaxine, un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), alors que les autres antidépresseurs, non sérotoninergiques, se sont montrés totalement inefficaces chez ces patientes [3].

L’efficacité d’une administration ponctuelle et intermittente de ces médicaments est encore plus notable. L’utilisation des ISRS pour le TDPM est le plus souvent cyclique, de 14 à 17 jours par cycle, avec une pause entre les règles et l’ovulation. Les effets se font généralement sentir en quelques heures ou quelques jours.

En comparaison, les effets des ISRS dans les cas de dépression grave non liée aux variations hormonales ou au cycle menstruel se manifestent souvent après plusieurs semaines [1].

Cela nous incite à penser que même si la perturbation des récepteurs de neurotransmetteurs peut mener à la même situation, l’augmentation de la synthèse des neurotransmetteurs ou de l’exposition aux récepteurs pourrait avoir des résultats bénéfiques, peut-être suffisants pour entraîner une diminution significative des symptômes cycliques.

PMDD

L’inconvénient des ISRS réside dans leurs considérables effets secondaires tels que nausée, insomnies, perte de libido et anorgasmie, fréquents pendant la durée du traitement [3][7]. Une femme qui éprouve déjà des symptômes majeurs préférera peut-être soutenir le fonctionnement de ses neurotransmetteurs sans provoquer d’autres troubles émotionnels ou sexuels.

Un traitement antidépresseur non médicamenteux peut également être nécessaire pour les femmes qui ne peuvent pas prendre d’ISRS en raison de contre-indications telles que tentatives de suicide, ou pensées suicidaires chez les adolescentes et les jeunes adultes [8].

Hormones et activité du GABA dans le TDPM

Le GABA est l’un des principaux neurotransmetteurs inhibiteurs dans le cerveau, et peut avoir des effets anxiolytiques [9]. Une supplémentation en GABA est utilisée dans le traitement de patients souffrant d’anxiété, de troubles de l’humeur et de crises d’épilepsie [10]. Grâce à la spectroscopie par résonance magnétique (SRM), les études sur les taux de GABA et de glutamine/glutamate ont montré une baisse de ces taux dans les zones du cerveau jouant un rôle crucial dans la pathophysiologie des troubles de l’humeur chez les femmes souffrant de TDPM [9].

L’alloprégnanolone (ou ALLO) est un métabolite de la progestérone modulant positivement les récepteurs GABA-A. On suppose qu’un faible taux d’ALLO pourrait augmenter l’anxiété, les symptômes dépressifs et la réactivité au stress [1][2].

PMDD

Une hausse du taux d’ALLO favorise généralement la transmission du GABA en réponse à un stress aigu. Un faible taux d’ALLO pourrait donc affaiblir cette réponse [1].

Cet effet est démontré par le réflexe de sursaut acoustique, l’ALLO modulant la réponse au stress généré par les bruits forts et soudains. Les femmes atteintes de TDPM semblent avoir un réflexe de sursaut plus fort avant leurs règles [1], ce qui pourrait être lié à l’apparition de l’anxiété ou à une dérégulation émotionnelle pendant la phase lutéale.

Bien que le GABA soit utilisé avec profit comme complément chez les personnes souffrant de troubles de l’humeur, les recherches sur la supplémentation en GABA dans le TDPM sont actuellement insuffisantes.

La vitamine B6

On sait que les vitamines B – comme les vitamines B6 et B12 et l’acide folique – jouent un rôle dans la synthèse et le métabolisme des neurotransmetteurs, et sont largement utilisées pour lutter contre la dépression et les troubles de l’humeur prémenstruels. Le GABA est synthétisé par l’enzyme limitant le taux d’acide glutamique décarboxylase (GAD), qui a besoin de la vitamine B6, aussi appelée chlorhydrate de pyridoxine ou phosphate de pyridoxal, comme cofacteur essentiel [11].

On connait plus de 100 réactions qui dépendent de la vitamine B6, dont la plupart jouent un rôle dans la synthèse d’acides aminés et de neurotransmetteurs [12]. La vitamine B6 est nécessaire à la conversion du tryptophane en sérotonine, et essentielle pour synthèse de la dopamine, de la noradrénaline, du GABA et de la mélatonine [12].

Selon une revue systématique récente, 50 à 100 mg de vitamine B6 permettraient de soulager deux fois plus qu’un placebo les symptômes du SPM [13]. On a aussi suggéré que 50 mg/j aideraient à réduire les symptômes émotionnels prémenstruels [14].

Concernant les applications cliniques, la vitamine B6 est une option thérapeutique possible pour les troubles de l’humeur prémenstruels, bien qu’aucun effet plus important n’ait été observé à des doses supérieures à 100 mg [13].

Le carbonate de calcium

Quelques études de haut niveau ont utilisé le calcium contre les symptômes de troubles de l’humeur prémenstruels. Dans l’une d’elles, 33 femmes souffrant de SPM recevaient 1000 mg de carbonate de calcium pendant 3 mois, suivis de 3 mois de placebo. 73% des femmes ont fait part d’une baisse de leurs symptômes (y compris l’affect négatif) alors qu’elles prenaient du calcium, contre 15% quand elles recevaient le placebo [15].

Un essai multicentrique portant sur 466 femmes souffrant de SPM modéré à sévère et présentant des symptômes de dépression, irritabilité, anxiété, agressivité ou crises de larmes, les a réparties aléatoirement pour recevoir quotidiennement 1200 mg de carbonate de calcium ou un placebo, pendant 3 cycles. Aucune amélioration n’a été observée après un cycle mais, après trois, on observait 48% de réduction des symptômes par rapport au niveau initial [16].

Le tryptophane

Que ce soit par l’alimentation ou en complément, le tryptophane peut facilement franchir la barrière hémato-encéphalique (BHE). Les régimes alimentaires carencés en tryptophane ont été impliqués dans l’aggravation des symptômes prémenstruels [3]. Le L-tryptophane pourrait donc être utilisé comme complément, ou directement dans l’alimentation, pour favoriser la synthèse de la sérotonine et réduire les symptômes portant sur l’humeur. C’est ce qui a été tenté dans une étude au cours de laquelle on donnait 6 g de L-tryptophane par jour pendant 17 jours, à partir de l’ovulation, et qui a entrainé une réduction significative des symptômes de TDPM [17].

L’inositol

Autrefois appelé « vitamine B8 », l’inositol est une molécule de signalisation associée à de multiples récepteurs de neurotransmetteurs, et bien connue pour ses propriétés antidépressives. Une méta-analyse de l’utilisation de l’inositol contre la dépression et les troubles anxieux a révélé qu’il réduisait mieux qu’un placebo les symptômes dépressifs cycliques du TDPM [18].

Dans une étude, les participantes qui recevaient une dose de 4 g de myo-inositol, trois fois par jour pendant 6 cycles menstruels, présentaient des améliorations significatives, mesurées sur l’échelle d’évaluation de la dépression d’Hamilton et l’échelle des symptômes quotidiens de Penn [19]. Il a été suggéré que les propriétés antidépressives de l’inositol utiliseraient le système sérotonergique, ce qui pourrait expliquer son efficacité dans le TDPM, mais pas pour les autres troubles dépressifs [18].

Conclusions

De nombreux facteurs sont à prendre en compte dans les cas de TDPM, c’est pourquoi un traitement combiné pourrait bien être une meilleure option qu’une monothérapie. La nature cyclique des symptômes du TDPM est probablement due aux perturbations du métabolisme des neurotransmetteurs en réponse aux fluctuations hormonales normales pendant le cycle menstruel. Plusieurs facteurs ont été impliqués dans l’étiologie du TDPM, dont la synthèse et transmission de la sérotonine et du GABA, la sensibilité à l’alloprégnanolone (ALLO) et l’homéostasie du calcium.

Les dosages thérapeutiques des traitements individuels – tels que 20 à 100 mg/j de vitamine B6, 12 g/j de myo-inositol, 1000 à 1200 mg/j de carbonate de calcium, ou une dose lutéale de L-tryptophane, se sont avérés efficaces pour réduire les symptômes du TDPM.

La solution est peut-être dans un traitement combiné : une approche synergique, permettant de favoriser l’activité sérotoninergique grâce à des traitements comme de la vitamine B6 combinée à de l’inositol, du magnésium, du GABA ou du L-tryptophane, pourrait donner de meilleurs résultats qu’une monothérapie. Cette approche reste pourtant à évaluer. Quoi qu’il en soit, ces traitements devraient être proposés comme alternative aux ISRS, en particulier pour les patientes qui ne peuvent pas les utiliser ou les supporter.