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Régime végétarien et anémie - Tour d’horizon

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Régime végétarien et anémie
Tour d’horizon

by Dr. George Cho, ND
4150 Chesswood Dr.
North York, ON, Canada
M4J 2B9

www.pathwaystowholeness.ca/clinic/


Understanding Food Sensitivities

Une tendance croissante se manifeste, notamment chez les jeunes, consistant à opter pour un régime végétarien ou végane. De fait, un article d’Aly Thompson publié le 13 mars 2018 dans le Toronto Metro citait un sondage effectué par l’université Dalhousie montrant que les Canadiens de moins de 35 ans « se considèrent eux-mêmes trois fois plus comme végétariens ou véganes que les personnes de 49 ans ou plus » (1). Quelques observateurs de cette tendance seront sans doute préoccupés des risques d’insuffisance nutritionnelle d’un régime végétarien, voire végane, et demanderont peut-être : « Va-t-on se retrouver avec une génération de Canadiens présentant des carences nutritionnelles ? ». Le fer est l’un des nutriments en question.

Bien que plusieurs nutriments posent problème pour les végétariens, cet article va se concentrer sur ce minéral particulier. Nous allons tenter d’aborder le sujet selon une perspective originale, en répondant à des questions telles que :

  • Les végétariens ont-ils des carences en fer ?
  • Deviennent-ils anémiques ?
  • Les sources végétales de fer sont-elles moins assimilables que les sources animales ?

À l’heure où nous observons une modification des habitudes alimentaires, il importe de répondre à ces questions. Nous voulons éviter que se répandent des déficiences nutritionnelles, mais nos craintes et nos préoccupations doivent être basées sur la science, et non sur des présupposés.

« Moins de fer » ou « pas assez de fer » ?

Les réserves de l’organisme en fer sont généralement moins élevées chez les végétariens que chez les autres (2). Cela peut s’expliquer par le fait que le fer d’origine animale est différent du fer d’origine végétale.

Understanding Food Sensitivities

Le fer contenu dans des sources telles que le bœuf ou le poulet est appelé fer héminique, alors que le fer d’origine végétale est appelé fer non-héminique. Le premier est plus facilement assimilable que le deuxième. L’assimilation du fer héminique est d’environ 15 à 40%, contre 1 à 15% ou 1 à 23% en ce qui concerne le fer non-héminique (3,4).

Mais le point à souligner est que le fait d’avoir des réserves plus faibles en fer, ou de consommer un fer moins assimilable, ne signifie pas avoir une carence en fer. Ce n’est pas parce qu’un végétarien absorbe le fer sous une forme moins assimilable qu’il va en manquer. Et avoir des réserves en fer moins élevées, ce n’est pas « avoir une carence en fer », cela signifie simplement que ces réserves sont généralement plus faibles chez les végétariens que chez ceux qui ne le sont pas. C’est ce qu’ont reconnu les diététiciens canadiens, en déclarant :

« L’incidence de l’anémie ferriprive est du même ordre chez les végétariens et chez les non-végétariens. Bien que les végétariens adultes aient des réserves en fer plus faibles que les non-végétariens, leur taux de ferritine sérique se situe habituellement dans la fourchette normale. » (5)

La position de l’Académie de diététique et de nutrition sur le régime végétarien confirme l’idée que les végétariens n’ont pas nécessairement de carence en fer :

« Le processus d’assimilation semble s’adapter efficacement, dans le cas des végétariens occidentaux, puisque leur taux d’hémoglobine ainsi que la plupart des autres mesures de leur statut en fer sont similaires à ce qui est observé chez les non-végétariens. » (4)

La bonne régulation de l’assimilation du fer végétal par l’organisme

L’assimilation du fer d’origine animale (fer héminique) n’est pas très sensible à la quantité de fer déjà présente dans l’organisme. On sait par contre que le corps peut parfaitement réguler l’assimilation du fer d’origine végétale (fer non-héminique) selon la quantité de fer déjà stockée dans l’organisme. Quand les réserves sont faibles, il régulera à la hausse l’assimilation du fer ; quand elles sont importantes, il le fera à la baisse (4).

Dans une étude, des chercheurs ont montré que les végétariens étaient capables d’adapter cette assimilation en fonction de leur statut en fer (2). Les participants végétariens éliminaient également moins de ferritine dans leurs selles. Un scientifique résume ce processus physiologique en déclarant :

« […] bien que le régime végétarien contienne une plus grande proportion de fer non-héminique généralement moins bien assimilé, cette forme est plus sensible aux différences de statut en fer de l’organisme. L’avantage est que l’assimilation du fer non-héminique peut être limitée chez les personnes ayant des réserves importantes en fer, tout en étant presque aussi élevée que celle du fer héminique chez ceux qui ont de faibles réserves. » (3)

L’Académie de diététique et de nutrition déclare de même :

« L’assimilation du fer non-héminique dépend des besoins physiologiques, et est en partie régulée par les réserves en fer. Son assimilation peut varier à la fois selon la composition du repas et selon le statut en fer de la personne. » (4)

Cette capacité à réguler l’assimilation du fer non-héminique en fonction des réserves existantes de l’organisme pourrait expliquer en partie pourquoi les végétariens, et peut-être les véganes, peuvent avoir un taux normal de fer bien qu’ils consomment celui-ci sous une forme moins assimilable. C’est ce que reconnait un groupe de chercheurs, qui déclarent :

« Le contrôle adaptatif de l’assimilation pourrait expliquer pourquoi les végétariens ont souvent des réserves en fer plus faibles que les non-végétariens, mais pas de carence en fer. Bien que l’étude en cours montre une assimilation du fer bien moins importante dans le régime ovo-lacto-végétarien que dans le régime non végétarien, la concentration sérique de ferritine et les autres indicateurs du statut en fer ne justifient pas d’inquiétude sur le statut en fer des végétariens en l’absence de preuve d’une plus grande carence en fer. » (2)

On voit donc que la situation concernant le fer est comparable à celle des protéines. Le bœuf, le poulet, le poisson et la chèvre peuvent fournir du fer plus assimilable, de même que des protéines ayant une meilleure biodisponibilité, ce qui ne veut pas dire qu’un régime sans ces aliments carnés entrainera automatiquement une mauvaise absorption ni une carence en fer. Prétendre le contraire serait faire une supposition erronée, avec peu de preuves à l’appui.

Les végétariens peuvent avoir une alimentation assez riche en fer

Autre question importante à régler : « Les végétariens consomment-ils globalement assez de fer ? ». C’est une question importante dans la mesure où, bien que l’organisme soit très capable de réguler l’assimilation du fer d’origine végétale, encore faut-il consommer assez de fer pour remplir les besoins du corps. Les données suggèrent que les végétariens peuvent en consommer suffisamment.

Une étude portant sur 71 751 personnes a révélé que les non végétariens, les semi-végétariens, les pesco-végétariens, les ovo-lacto-végétariens et les végétariens stricts ne présentent pas de différence significative quant au contenu en fer de leur alimentation, la composition de leurs repas ayant une quantité similaire de fer (6). Plus précisément, les ovo-lacto-végétariens consommaient environ 34,1 mg de fer par jour, et les végétariens stricts 31,6 mg (6).

Les diététiciens canadiens recommandent une consommation quotidienne minimum de 8 mg pour les hommes à partir de 19 ans, et de 18 mg pour les femmes entre 19 et 50 ans (7). Pour les femmes au-delà de 50 ans, la quantité recommandée est la même que pour les hommes (8 mg par jour). On voit clairement que d’après l’étude mentionnée plus haut, même les végétariens stricts ont une consommation bien supérieure aux recommandations des diététiciens canadiens. Ce qui renforce une assertion de l’Académie de diététique et de nutrition, selon laquelle :

« Les végétariens consomment généralement autant, voire un peu plus, de fer que les omnivores. » (4)

Ces aperçus sont importants, compte tenu des déclarations souvent fausses que l’on entend au sujet du végétarisme. Des déclarations telles que « Vous allez avoir une carence en fer », ou des questions du type « Où allez vous prendre votre fer ? » sont donc injustifiées. Même l’insinuation qu’une personne pourrait devenir anémique du fait que son fer d’origine végétale est moins assimilable est trompeuse.

Et en matière d’alimentation végane, les diététiciens canadiens déclarent :

« Une bonne alimentation végane peut remplir tous vos besoins en nutriments à toutes les étapes de la vie, y compris si vous êtes enceinte ou si vous allaitez, et y compris pour les personnes âgées. » (8)

Inhibiteurs et promoteurs

Un autre défi est posé par les personnes qui soulignent la baisse du taux de promoteurs de l’assimilation du fer et la hausse du taux d’inhibiteurs dans l’alimentation végétarienne par rapport aux régimes non végétariens. Il convient donc de s’intéresser aussi aux inhibiteurs et aux promoteurs de l’assimilation du fer.

Understanding Food Sensitivities

Des nutriments tels que la vitamine C et certains facteurs non identifiés dans la viande semblent favoriser l’assimilation du fer (3). Des substances comme le phytate, certaines protéines du soja, ainsi que des polyphénols comme les acides tannique et chlorogénique présents dans le thé, le café et le vin rouge semblent par contre inhiber l’assimilation du fer (3). L’alimentation végétarienne peut contenir davantage de ces inhibiteurs et moins de promoteurs que l’alimentation omnivore typique.

Il faut pourtant être prudent quant aux conclusions à tirer de cette information. En premier lieu, certaines données suggèrent que l’amplitude des effets des promoteurs et des inhibiteurs sur l’assimilation du fer pourrait diminuer avec le temps (4). Ce que ça signifie ? Quand on adopte une alimentation végétarienne, la modification initiale du nombre de promoteurs et d’inhibiteurs que l’on absorbe peut avoir un impact, mais l’organisme finit par s’adapter. De plus, le fait de consommer plus d’inhibiteurs et moins de promoteurs entraine-t-il nécessairement une carence en fer ? Consommer davantage d’inhibiteurs ne condamne pas à la carence, pas plus que le fait de consommer moins de promoteurs. Même la combinaison de ces deux facteurs ne suffit pas forcément à entrainer une carence. De fait, nous l’avons dit, il existe peu de preuves que les végétariens manquent de fer.

Understanding Food Sensitivities Prérequis

Compte tenu des perspectives ouvertes par cet article, certains prérequis doivent être établis afin d’offrir une présentation équilibrée du sujet. Les informations données plus haut ne signifient pas que tous les végétariens ont un apport en fer irréprochable. Beaucoup peuvent développer une carence s’ils ne suivent pas correctement leur régime végétarien. La question n’est donc pas d’empêcher tout débat entre patients et médecins au sujet de l’apport en fer dans le cadre d’un régime végétarien. Mais faire des généralités à propos des végétariens « carencés en fer » n’est pas justifié, et il serait irresponsable d’essayer de dissuader les gens d’adopter un régime végétarien en exagérant le risque d’anémie.

Conclusion

Cet article ne donne pas de conseil précis sur le moyen de consommer assez de fer, mais a cherché à répondre à quelques questions concernant le risque d’anémie pour un végétarien. Sa conclusion est qu’un régime végétarien devrait apporter une quantité suffisante de fer s’il est bien suivi.

La tendance des Canadiens à devenir complètement végane ou végétarien, ou simplement à consommer davantage de végétaux, est en plein développement. Un tel changement pourrait entrainer chez ces personnes un risque de carence en fer. Mais l’information sur ce risque doit reposer sur des faits, et non sur des données basées sur une conception dépassée du sujet.