Vous saignez des gencives ? : Les traitements naturels de la gingivite

Si vous voyez du sang sur votre brosse à dents ou votre fil dentaire, il y a peut-être de quoi s’inquiéter... et réagir ! L’importance d’une bonne hygiène buccale est un concept familier pour la plupart des Canadiens dès le plus jeune âge, et à juste raison. L’Association des hygiénistes dentaires de l’Ontario fait observer que le lien entre les infections buccales et les autres maladies du corps commence à être bien établi et reconnu par le corps médical. L’affection parodontale (ou parodontopathie) est l’une des pathologies humaines les plus courantes, et beaucoup de Canadiens souffriront de gingivite, une maladie des gencives, au moins une fois dans leur vie ^{[ 1 ]}. Si elle n’est pas traitée, la bactérie en cause peut se répandre dans tout le système sanguin, augmentant le risque de maladie cardiaque, d’AVC, de maladie respiratoire et de complications lors de la grossesse ^{[ 2 ]}. Sachant cela, l’hygiène buccale devrait être une priorité dans toutes les salles de bain !

La parodontopathie est une infection bactérienne chronique qui affecte les gencives et les autres tissus qui supportent la dentition. Sa forme la plus courante, la gingivite, qui touche les tissus gingivaux, est due à la formation d’une plaque bactérienne entrainant un processus inflammatoire chronique. Parmi les symptômes de la gingivite ont peut noter : gonflement, sensibilité, saignement des gencives, rétractation, poches entre les dents et les gencives et mauvaise haleine ^{[ 1 ]}. Non soignée, une gingivite peut évoluer en parodontite, et l’inflammation se répandre aux ligaments parodontaux et à l’os alvéolaire. La destruction de ces structures entrainerait à terme le déchaussement et la chute des dents ^{[ 3 ]}.

Bien qu’il s’agisse d’une affection très courante, les traitements naturels (en dehors de l’hygiène buccale) ne sont pas aisés à trouver. Les soins alternatifs aux dentifrices et aux bains de bouche fortement chimiques souvent préconisés présentent un trait commun : la plupart font appel comme ingrédient actif à la coenzyme Q10 (CoQ10). Une marque déclare même sur l’emballage du produit : « Il est prouvé que CoQ10 a de puissantes propriétés curatives sur les gencives » ^{[ 4 ]}.

La CoQ10 est un antioxydant produit par le corps humain pour le fonctionnement cellulaire. Elle a beaucoup de propriétés bénéfiques, notamment sur les problèmes de santé dus à une mauvaise hygiène dentaire mentionnés plus haut : maladies cardiaques, AVC, problèmes respiratoires et complications lors de la grossesse.

La recherche a analysé des échantillons de tissus buccaux de patients atteints de gingivite. Comparés à leurs tissus gingivaux sains, leurs tissus infectés ont montré une carence locale en CoQ10 ^{[ 5 ]}. On ne sait toujours pas si cette carence est une cause ou une conséquence de la parodontopathie, mais elle trahit une perturbation de l’activité immunitaire et réduit les chances de guérison.

Il est prouvé que les compléments alimentaires de CoQ10 augmentent les taux de CoQ10 dans les tissus gingivaux des personnes atteintes de parodontopathie ^{[ 6 ]}. Plusieurs essais cliniques ont établi qu’une supplémentation en CoQ10, qu’elle soit orale ou locale, est un traitement efficace de la parodontopathie. La plupart des études ne précisent cependant pas si le diagnostic de gingivite était fondé, et s’intéressent principalement au traitement de la parodontite, forme évoluée de gingivite.

L’une des études a utilisé les symptômes de la gingivite (saignements, rougeur et gonflement) comme indicateurs de résultat. Les autres variables mesurées étaient : épaisseur des poches, suintement purulent, mobilité dentaire, douleur et démangeaisons. L’étude concernait 18 patients atteints d’affection parodontale recevant aléatoirement, pour un test en double aveugle de trois semaines, soit 50 mg/jour de CoQ10, soit un placebo. Une amélioration a été observée chez les 8 patients qui avaient reçu la CoQ10, et chez 3 des 10 patients qui avaient reçu le placebo (p < 0.001) ^{[ 6 ]}. La même source mentionne une autre étude concernant 7 patients atteints d’une parodontite avancée nécessitant une intervention chirurgicale. Chaque patient a reçu 50 mg/jour de CoQ10 pendant 3 semaines. La gravité de l’affection, mesurée sur une échelle spécifique, a diminué sensiblement. L’épaisseur des poches a également diminué de manière significative. L’étude conclut sur la rareté d’une telle amélioration chez les patients atteints d’un mal si avancé, suggérant clairement une efficacité de la CoQ10 dans le traitement de l’affection parodontale ^{[ 6 ]}.

Un autre article divise la recherche en trois catégories distinctes. Une première concerne les preuves manifestes du rôle de la CoQ10 comme antioxydant et la façon dont cet antioxydant peut être associé par la théorie au traitement des parodontopathies. La seconde analyse les carences relevées dans les tissus gingivaux des patients atteints de parodontopathie. À ce sujet, les preuves se contredisent, quelques études démontrant les carences attendues, les autres non. Dans l'ensemble, l’article semble dévaluer la plupart des études pour des raisons diverses, et considère que ces résultats ne permettent pas de conclure à une efficacité limitée. En dernier lieu, les effets de la CoQ10 sur le système immunitaire des patients sont mentionnés. Le rapport CD4/CD8 augmente après 2 mois de traitement à la CoQ10, tandis que le taux d’immunoglobuline G augmente de façon importante après 6 mois. Par ailleurs, deux études sont passées de l'administration systémique à l'administration topique de CoQ10 pour traiter la parodontite. Si les résultats de la première ont suggéré un effet très limité après administration de CoQ10, ceux de la deuxième n'étant pas concluants ^{[ 7 ]}.

Les études présentant des résultats aussi divers, il n’est pas possible de fixer un dosage type. On ignore la dose optimale de CoQ10, mais elle peut varier suivant la gravité du mal. Dans la plupart des articles, la dose orale utilisée dans les essais cliniques aléatoires n’est pas mentionnée. Quand elle est donnée, la dose va de 50 mg/jour (le plus souvent) à 65 mg/jour. De même, le temps de réaction ne peut pas être spécifié, car l'existence même de cette réaction est encore à l'étude, mais le traitement est généralement de 3 à 4 semaines pour la supplémentation orale et de 6 à 8 semaines pour une application locale.

La CoQ10 ne présente que très peu de risques. L’innocuité sur le long terme des hautes doses à prise orale est bien documentée chez l’homme, ainsi que par des études de toxicité chronique chez l’animal. Les effets secondaires relevés chez l’homme se limitent généralement à des symptômes gastro-intestinaux légers tels que nausées et maux d’estomacs, observés chez un petit nombre de sujets. Aucune réaction indésirable ne ressort des études examinées ^{[ 8 ]}.

Bien que cet article se concentre sur le traitement de la gingivite et des affections parodontales, on doit noter que de nombreux produits d’hygiène buccale insistent sur les effets préventifs de la CoQ10 ^{[ 4 ]}. N’ayant pas reçu de réponse de l’entreprise à qui nous avons demandé sur quoi elle se basait pour proclamer : « Il est prouvé que CoQ10 a de puissantes propriétés curatives sur les gencives » ^{[ 4 ]}, et compte tenu du peu de résultats de la recherche scientifique sur la question, on peut s’interroger sur les fondements de cette déclaration. Peut-être le brossage quotidien et l’utilisation du fil dentaire, plus que la composition du dentifrice, suffisent-ils à prévenir les affections parodontales – mais c’est là un sujet à part entière.