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Les graisses saturées Quelques mises au point

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Les graisses saturées - Quelques mises au point

by Julie Chan, ND R. AC

www.libertywellness.ca




Saturated Fats

Le New York Times titrait, voici quelques années, sur « Le retour du beurre » [1], et la page de couverture du Time Magazine proclamait : « Mangez du beurre ! ». Résultat, les gens sont persuadés que le lard, le fromage, le beurre et les steaks sont bons pour la santé. Ils se disent : « les graisses saturées sont bonnes » et « les produits allégés sont mauvais ». Pourtant, les études et les données scientifiques des 50 dernières années ont montré que la consommation de graisses saturées était un indicateur du taux de triglycérides et de lipoprotéines à faible densité (LDL, le « mauvais cholestérol ») dans l’organisme. Alors, où est la vérité ?

Deux exposés qui semblent contredire des décennies de recherches ont été publiés en 2010 et 2014 ; il s’agit des méta-analyses de Siri-Tarino et coll. [2] et de Chowdhury et coll. [3]. Ces deux études ne montrent aucun lien net entre la consommation de graisses saturées et les maladies coronariennes. Les médias se sont emparés de ces publications et se sont empressés de justifier la consommation des graisses saturées et de promouvoir le bœuf, le beurre, le lard et le fromage. Que penser de ces nouvelles études ?

Des résultats biaisés

Nous savons depuis 1979 que les études observationnelles sont incapables de corréler changements alimentaires et risque coronarien. La méta-analyse de 2010 [2] a, pour l’essentiel, passé en revue ce type d’études, dont beaucoup n’auraient en tout état de cause pas pu mettre en évidence une telle corrélation. L’étude de 2014, quant à elle, n’est qu’une reprise de celle de 2010. D’autres biais présents dans ces études sur les graisses saturées concernent notamment :

  • La comparaison de populations similaires dont l’alimentation de type occidentale était riche aussi bien en graisses qu’en graisses saturées ;
  • L’utilisation de données portant sur une seule journée pour déterminer les habitudes alimentaires ;
  • Certains ajustements du taux de cholestérol sérique.

D’autre part, des expériences d’alimentation contrôlée et d’autres portant sur des changements alimentaires en situation naturelle ont montré des résultats convergents et cohérents établissant une corrélation entre l’apport en graisses saturées et les maladies coronariennes [4-11].

Point #1 : Ne pas passer trop vite du titre aux conclusions Saturated Fats

De nombreux spécialistes tels que Walter Willett de l’université d’Harvard et ses collègues se sont inquiétés des erreurs commises dans ces études sur les graisses saturées. Ils ont même écrit à la revue pour exprimer leurs préoccupations [12], remarquant notamment :

  • l’omission d’études importantes ;
  • une certaine confusion concernant les aliments comparés ;
  • des citations incorrectes d’études originales.

Ainsi, même des chercheurs de haut niveau ne souscrivent pas à ces études si souvent citées pour vanter les graisses saturées, les hamburgers, le beurre et le lard. Un scientifique responsable ne tire pas de conclusions hâtives. Faisons comme lui.

Point #2 : Les études récentes n’innocentent pas les graisses saturées

Depuis l’article de 2014, de nouvelles études contredisant l’idée que les graisses saturées sont sans danger ont été publiées dans des revues à comité de lecture. En voici quelques-unes :

  • En 2015, une étude a montré que le remplacement de 5 % de l’énergie provenant de graisses saturées par 5 % provenant de graisses insaturées, et notamment polyinsaturées, réduisait le risque de maladies coronariennes respectivement de 17 et 25 % [13].
  • En 2015 aussi, une étude publiée dans la revue Cochrane a conclu que le remplacement des graisses saturées par des féculents et des protéines n’était guère efficace, mais que leur remplacement par des graisses polyinsaturées l’était davantage [5]. Le rapport indiquait : « Les recommandations aux personnes présentant un risque cardiovasculaire, comme aux populations présentant un risque plus faible, devraient toujours comporter une réduction permanente des graisses saturées alimentaires et leur remplacement partiel par des graisses insaturées. On hésite encore sur le type de graisses insaturées qui serait préférable » [25].
  • Un article de 2016 a révélé que la consommation de graisses saturées augmentait de 8 % la mortalité globale, alors que les acides gras polyinsaturés et mono-insaturés réduisaient respectivement le risque de mortalité de 19 et 11 % [14].
  • En 2017, l’American Hearth Association a publié une note d’avertissement indiquant que les publications scientifiques soutenant les graisses saturées comportaient des faiblesses majeures, et que la réduction des graisses saturées était toujours à l’ordre du jour [15].
  • En 2017, les Annales de la nutrition et du métabolisme ont publié un rapport concluant « […] il existe des preuves solides pour appuyer le remplacement partiel des aliments riches en acides gras saturés par des aliments riches en acides gras cis-polyinsaturés, afin de réduire le taux de cholestérol LDL et le risque de maladie coronarienne » [16].
Point #3 : Les informations présentées ne sont souvent pas conformes aux conclusions des scientifiques eux-mêmes

Quand l’article de 2014 est paru, le message était « le beurre est de retour » ou « le lard revient », mais en réalité les auteurs de l’article eux-mêmes n’étaient pas d’accord avec ce message. Voici le témoignage du Dr Di Angelantonio, auteur principal de l’étude : « On a parlé de "beurre" et "hamburgers", mais ce n’est pas ce que disait notre article […]. Ce que disait notre article, c’est que la question des graisses saturées est un peu plus compliquée que ce qu’on pensait » [12].

Saturated Fats

En 2016, a été publiée une méta-analyse qui semblait suggérer que le beurre (très riche en graisses saturées) n’était pas vraiment lié à des maladies chroniques [17]. Une fois de plus, les médias se sont jetés dessus. La couverture du Time Magazine proclamait même « Mangez du beurre ! ». Mais à nouveau, les auteurs de l’étude n’étaient pas d’accord avec ce message. Dariush Mozaffarian, auteur principal de l’étude, a précisé : « Dans l’ensemble, nos résultats suggèrent que le beurre ne devrait être ni diabolisé, ni considéré comme étant "de retour" en tant qu’aliment bon pour la santé » [18].

Une autre auteure, Laura Pimpin, a déclaré dans le même communiqué de presse : « […] Le beurre serait plutôt un aliment "moyen" : plus sain que le sucre ou l’amidon présent dans le pain blanc ou la pomme de terre, auxquels du beurre est souvent ajouté et qui sont associés à un risque accru de diabète et de maladie cardiovasculaire ; mais moins sain que beaucoup de margarines ou d’huiles de cuisson – celles qui sont riches en bonnes graisses comme l’huile de soja, de canola, de lin, ou d’olive extra-vierge – qui réduisent probablement le risque par rapport au beurre, aux céréales raffinées, aux féculents et aux sucres » [18].

Lorsque les auteurs eux-mêmes sont en désaccord avec l’interprétation de leurs études par les médias, c’est qu’il y a manifestement un problème. C’est la Faculté de médecine de l’université d’Harvard qui résume le mieux ce problème : « Faire du beurre un « aliment sain » est très excessif […] » [18].

Les journalistes et les médias ont tendance à déformer le message. La saga actuelle des graisses saturées en est un bon exemple.

Point #4 : Quoi qu’en dise la publicité, la viande rouge et les viandes transformées ne sont pas bonnes pour la santé

Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), institution liée à l’OMS, classe les viandes transformées parmi les cancérogènes du groupe 1 (agent cancérogène pour l’homme). Il indique que « Les viandes transformées sont classées comme cancérogènes pour l’homme (groupe 1), sur la base de preuves suffisantes que leur consommation peut être à l’origine du cancer colorectal chez l’homme » [19].

Les autres cancérogènes du groupe 1 sont notamment :

  • Le gaz de houille
  • Le virus Epstein-Barr
  • Les boissons alcoolisées
  • Le virus de l’hépatite B
  • Le virus de l’hépatite C
  • Le plutonium
  • La fumée de tabac
  • Les radiations ionisantes
  • Les PCB

La viande rouge ne vaut guère mieux, puisqu’elle est classée parmi les cancérogènes du groupe 2A, « probablement cancérogènes pour l’homme » [19]. Cette catégorie comprend également :

  • Le cobalt allié au carbure de tungstène
  • Le glyphosate
  • Les composés de plomb
  • La malaria
  • Le raffinage du pétrole
  • Les moutardes azotées
  • L’acrylamide
  • Le DDT
  • Le papillomavirus humain de type 68

Bien des gens seraient surpris de savoir que leur hot-dog, leur hamburger, leur Spam® et leur Klik® sont des agents cancérogènes recensés comme tels.

La récente étude de cohorte « Adventist Healthy Study 2 » a établi un lien entre consommation élevée de protéines animales et risque accru (de 61 %) de mortalité cardiovasculaire, quand les protéines des fruits à coque et des graines diminuent ce risque de 40 % [20]. Alors, attendez un peu avant de vous précipiter sur votre hot-dog ou votre sandwich BLT !

Point #5 : Bien mis en œuvre, les régimes hypolipidiques tiennent leurs promesses

Beaucoup de gens disent : « J’ai essayé le régime hypolipidique : ça n’a pas marché ! ». Mais quel Nord-Américain a vraiment une alimentation sans graisses ? Aucun. Notre société ne nous permet pas de rompre tout à fait avec les produits carnés et animaux, avec l’huile, avec les autres aliments très gras et très transformés. Nous ne pouvons pas nous passer de beignets, de croissants, de poulet frit, de lait, etc. Globalement, l’Amérique du Nord n’a jamais vraiment connu de régime hypolipidique. Avoir des préférences hypolipidiques n’est pas la même chose qu’adopter une alimentation hypolipidique. Idéalement, celle-ci est essentiellement végétarienne et à base d’aliments complets. De façon générale, cette approche diététique n’a jamais été tentée en Amérique du Nord.

Saturated Fats

Pour certains, le problème ne serait pas le gras, mais le sucre. Ça n’est que partiellement vrai. Remplacer le sucre par du gras n’est pas une solution. Ce n’est pas « l’un ou l’autre », c’est « ni l’un, ni l’autre ». Il est préférable de limiter sa consommation de graisses saturées aussi bien que de sucre ajouté. La consommation de toutes les graisses saturées, graisses trans et sucres ajoutés devrait être réduite.

Conclusion

Ce qu’il faut retenir est simple : croire, sur la foi de deux études approximatives, que les graisses saturées font maintenant partie des aliments sains est une erreur. Prétendre le contraire serait professionnellement irresponsable, et témoignerait d’un mépris flagrant pour les études scientifiques sérieuses de ces dernières décennies.

Et maintenant, quelques conseils diététiques :

  1. Évitez particulièrement les graisses saturées. Remplacez-les par des graisses polyinsaturées et mono-insaturées, qui peuvent être d’origine végétale.
  2. Ne soyez pas réductionniste : pensez « aliments complets » plutôt que « macronutriments » (lipides, glucides et protéines).
  3. Une alimentation essentiellement végétarienne, à base d’aliments complets, permet de prévenir, de traiter et potentiellement inverser le cours de diverses maladies chroniques [21-31]. Nous vous recommandons de manger des céréales complètes, des fruits, des légumes, des haricots, des fruits à coque et des graines.