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Maladie cœliaque et intolérance au gluten - Doit-on s’inquiéter ?

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Maladie cœliaque et intolérance au gluten - Doit-on s’inquiéter ?

by: Heidi Fritz, MA, ND

Bolton Naturopathic Clinic
64 King St W, Bolton, Ontario L7E 1C7
www.boltonnaturopathic.ca



Introduction to Celiac Disease and Gluten Sensitivity




Introduction à la maladie cœliaque et à l’intolérance au gluten

Notre consommation de blé a augmenté dans des proportions alarmantes au cours des dernières décennies (1). Si l’on pensait naguère que le blé était un élément important d’une alimentation saine, il est perçu aujourd’hui comme une menace pour la santé de nombreuses personnes. Le gluten est un composant alimentaire présent dans le blé, le seigle, l’orge et les autres céréales. Il s’agit, plus précisément, d’une protéine complexe formée de gliadine et de gluténine, généralement utilisée comme agent stabilisant par l’industrie alimentaire. La maladie cœliaque (MC) est un trouble chronique complexe auto-immune dont les symptômes gastro-intestinaux sont déclenchés par l’ingestion de gluten. Il existe, d’autre part, une intolérance au gluten non-cœliaque (IGNC). Les personnes atteintes d’IGNC présentent également des symptômes à l’ingestion de gluten, mais ne répondent pas aux critères diagnostiques de la MC, que nous aborderons brièvement. Ces deux affections doivent être clairement distinguées de l’allergie au blé, qui se manifeste par un choc anaphylactique lors de l’ingestion de gluten et la présence d’immunoglobuline E (IgE). Nous nous intéresserons ici à la MC et à l’IGNC. Une vaste étude italienne à laquelle ont participé 37 centres spécialisés a établi que 3,2% de la population était atteinte d’IGNC (2). L’âge moyen des patients était de 38 ans, les femmes étant 5 fois plus nombreuses que les hommes parmi eux. 2,8% des participants ont été diagnostiqués comme atteints de la MC. Parmi les autres pathologies identifiées se trouvaient la colopathie fonctionnelle, des allergies et des maladies auto-immunes. Les analyses ont également montré chez les personnes affectées des carences en ferritine (réserves en fer), acide folique et vitamine D, ce qui signifie que la MC et l’IGNC peuvent être des facteurs de carences nutritionnelles.

D’autres études ont trouvé de grandes variations dans la prévalence de l’IGNC, allant quelquefois jusqu’à 13%, suivant la nature de l’évaluation (questionnaire, consultation clinique, etc.) (1). Difficulté supplémentaire pour identifier l’IGNC, les personnes qui suivent un régime sans gluten peuvent ne pas présenter de symptômes cliniques immédiatement identifiables. Des tests d’introduction de gluten provoquant des symptômes peuvent contribuer à conforter un diagnostic d’IGNC. Comme nous le verrons dans cet article, le principal traitement de la MC et de l’IGNC est le régime sans gluten (RSG). Les RSG se répandent largement parmi les personnes sensibilisées à leur santé, et le marché des produits sans gluten s’élargit à grande vitesse. Il existe même des événements comme l’Expo sans gluten, entièrement consacrée aux moyens de trouver des alternatives au gluten. Il est intéressant de noter que des personnes non atteintes de MC ou d’IGNC se convertissent au « sans gluten », en raison des bénéfices qu’elles y trouvent pour leur santé. Ce qui pose la question : devrions-nous tous suivre un RSG ?


Pathology of Celiac Disease Pathologie de la maladie cœliaque

La MC est une affection multifactorielle, ce qui signifie que plusieurs facteurs peuvent être nécessaires pour que la maladie se manifeste. La MC a une forte composante génétique, de nombreux gènes pouvant être impliqués (3). Les gènes HLA sont généralement considérés comme les principaux facteurs de risque. Le fait de porter ces gènes n’implique pas que la personne développera la maladie, d’autres facteurs étant probablement nécessaires au déclenchement du processus pathologique (tels que l’exposition au gluten !). Il existe aussi une petite proportion de personnes atteintes de la MC qui ne présentent pas ces gènes. Des études récentes ont relevé le rôle possible que pourrait jouer le microbiote intestinal dans le développement de la MC. Une comparaison entre adultes sains et malades, ayant reçu ou non un traitement contre la MC, a montré par exemple que les personnes atteintes mais non traitées avaient les taux les plus faibles de bactéries des familles Streptococcus et Prevotella (4). Il est possible que les populations bactériennes aient été modifiées suite aux transformations de l’environnement intestinal provoquées par l’activation de la MC. Il est également démontré que les bactéries dans les selles et le duodénum d’enfants atteints d’une MC déclarée et traitée présentent une proportion plus faible d’espèces inoffensives que d’espèces nocives. D’autres facteurs peuvent jouer un rôle, par exemple le moment où le gluten a été introduit dans l’alimentation d’un enfant. Une étude a révélé qu’une exposition plus tardive au gluten (de 6 à 12 mois) peut avoir un effet positif sur la tolérance à cette substance (5), en particulier pour les personnes ayant une susceptibilité génétique à la MC.

Des études récentes ont montré l’importance de la colonisation de l’appareil digestif en relation avec les troubles auto-immunes et les maladies liées à l’alimentation (6). Il pourrait y avoir des interactions entre les bactéries intestinales et le système immunitaire pour la différentiation directe entre les cellules immunitaires pro-inflammatoires et anti-inflammatoires. Certaines souches bactériennes (Bifidobacterium) sont capables de contrer et d’inverser les effets pro-inflammatoires (6). Ces souches probiotiques sont, pour cette raison, souvent proposées comme composante du traitement de la MC. Il est intéressant de noter que l’intolérance au gluten pourrait aussi être déclenchée par des virus ou des bactéries imitant les protéines du gluten. L’organisme réagit alors par une réponse auto-immunitaire pouvant se poursuivre après que l’infection ait disparu. Le nombre de causes possibles et les interactions complexes avec le système gastro-intestinal expliquent que le fait de présenter quelques facteurs de risque peut suffire pour développer une IGNC, sans provoquer une MC à part entière. C’est aussi pour ces raisons que les soins concernant ces deux affections peuvent largement coïncider.


Diagnosis Diagnostic

Plusieurs tests peuvent être utilisés pour établir un diagnostic de MC. Les symptômes peuvent indiquer quels tests utiliser, mais si la personne suit déjà un RSG, beaucoup de ces tests perdent leur pertinence. La raison en est que les taux d’anticorps étant plus faibles, ils pourront ne pas être détectés par les analyses tardives. Pour confirmer le diagnostic chez une personne suivant un RSG, le gluten doit être réintroduit avant les tests (7). Un test sanguin est généralement la première analyse réalisée. Le test des anticorps anti-transglutaminase de l’IgA est un exemple des tests sanguins utilisés, et peut détecter des MC très spécifiques, mais il en existe d’autres très similaires. Les tests sanguins ne procurant pas une certitude à 100%, il est souvent recommandé de faire suivre tout résultat positif d’un examen d’imagerie plus invasif (ou biopsie). Une endoscopie ou une biopsie intestinale peuvent notamment être mises en œuvre. Il arrive que, même si les tests sont négatifs, le médecin préconise des examens complémentaires. La biopsie est l’examen de référence pour le diagnostic de la MC (8).

Le diagnostic est bien plus net pour la MC que pour l’IGNC. L’une des difficultés que présente l’IGNC est justement qu’on ne sait pas exactement comment l’identifier. Dans la grande étude italienne dont nous avons déjà parlé, les auteurs ont utilisé un questionnaire de 60 items de type « oui ou non », avant de tirer leur conclusion par examen clinique (2). Les personnes concernées par l’IGNC font part de problèmes lors d’ingestion de blé ou de gluten, mais auront des résultats négatifs aux tests spécifiques utilisés pour diagnostiquer la MC. Une étude lancée pour tenter d’identifier et de décrire précisément l’IGNC a trouvé des processus et des antécédents cliniques très divers (9), la seule méthode diagnostique possible étant l’exclusion de la MC et de l’allergie au blé. L’indicateur le plus utile mis en évidence par les auteurs était la description de symptômes gastro-intestinaux soulagés par un RSG. Ils ont également établi que le risque de souffrir d’IGNC était plus grand s’il y avait des antécédents d’allergies alimentaires pendant la petite enfance, de l’atopie, ou une augmentation des anticorps IgG anti-gliadine.


Treatments: GFD and Probiotics Le traitement : RSG et probiotiques

Comme nous l’avons vu, le traitement de base de la MC est un RSG à vie. Il n’existe pas de traitement pharmaceutique permettant d’éviter le processus auto-immunitaire caractéristique de ces maladies en réaction au gluten. Suivi très rigoureusement, le RSG permet une guérison des intestins, une disparition de tous les symptômes et l’amélioration des autres paramètres cliniques. La MC est par exemple associée au diabète, à la maladie d'Addison, aux troubles thyroïdiens, aux troubles hépatiques, à l’arthrite, et aux maladies cutanées (6). Tout un ensemble de recherches indiquent que l’exposition au gluten est en rapport avec une prévalence plus élevée de troubles auto-immunes. Il est prouvé que le RSG est protecteur. En raison du mode de fonctionnement du système immunitaire, on a suggéré que les maladies auto-immunes pourraient être réversibles en suivant un RSG pendant l’enfance, mais pas à l’âge adulte (6). Quoi qu’il en soit, le RSG est difficile à suivre, et son non-respect peut provoquer des rechutes. Il est possible que chez certaines personnes l’intolérance soit plus forte que chez les autres. Certains peuvent avoir besoin de respecter le régime à 100%, alors que d’autres pourront tolérer de très légères quantités de gluten sans éprouver de symptômes de rechute.

L’autre thérapie évoquée plus haut concerne les probiotiques. Des biopsies d’enfants traités pour la MC ont démontré qu’un RSG d’une durée de 2 ans ou plus permet une restauration complète du microbiote intestinal. Il est possible que certaines souches de bactéries telles que Bifidobacterium soient à même de contenir et l’inverser le processus pro-inflammatoire et d’accélérer la guérison. Elles pourraient aussi aider le système immunitaire à mieux tolérer de petites quantités de gluten, de sorte que des personnes qui choisissent de suivre un RSG n’auraient pas à être aussi rigoureuses. En termes de santé globale, il peut être prudent de corriger aussi certaines des conséquences possibles de la MC. Les personnes atteintes de MC ayant plus de risque d’avoir des carences en fer, par exemple, il est préférable de contrôler régulièrement le taux de fer, pour le supplémenter si nécessaire. De même, une supplémentation en vitamine D et en acide folique est recommandée pour prévenir un manque possible. Enfin, il n’est peut-être pas nécessaire d’être excessivement inquiet à propos du gluten. Le RSG permet d’inverser complètement la MC et l’IGNC. Le spectre d’intolérance est assez large, et dans la mesure où le RSG est pratiquement sans risque, il vaut peut-être la peine que chacun l’essaie, jusqu’à un certain point, pour voir s’il en retire un bénéfice. Après tout, le nombre de personnes qui ne souffrent ni de la MC, ni d’IGNC, ni d’allergie au blé, mais trouvent des avantages au RSG semble être en augmentation.