La médecine naturopathique

La recherche et la médecine naturopathique

Plusieurs d’entre vous sont au courant du débat public sur la validité de la médecine naturopathique. Ce débat se concentre souvent autour de l’existence des données appuyant l’innocuité et l’efficacité de la médecine naturopathique.(1) Dans cet article, nous éclaircirons l’état de la recherche portant sur la médecine naturopathique et nous soulignerons l’évidence existante, mais pourtant souvent ignorée.

D’amblée, nous devons faire une distinction entre deux types de recherche scientifique présente dans la médecine naturopathique. Le premier type consiste en des études traditionnelles à intervention simple, c’est-à-dire lors desquelles une seule thérapie, par exemple les acides gras oméga-3 ou la vitamine D, est administrée à un groupe de participants. Cette thérapie est comparée à un placebo ou une autre substance de contrôle et les résultats d’intérêt sont évalués par rapport au facteur temps. Un grand ensemble d’évidence de ce genre existe déjà portant sur les effets des thérapies naturelles individuelles.(2-5) Elles ne feront pas cependant l’objet de cet article.

Une des forces de la médecine naturopathique réside en sa capacité de combiner plusieurs types des thérapies en un plan de traitement cohérent afin d’en augmenter l’efficacité. Par exemple, les suppléments nutritionnels peuvent être combinés à l’acupuncture pour le soulagement de la douleur. La médecine à base d’herbes peut être combinée à la thérapie nutritionnelle et l’homéopathie pour le traitement de l’infertilité. Les conseils portant sur le mode de vie peuvent, à leur tour, être combinés aux suppléments nutritionnels pour le traitement et la prévention des maladies cardiovasculaires et/ou du diabète.

Le deuxième type de recherche en médecine naturopathique examine l’emploi des thérapies combinées, utilisées ensemble et formant une approche systématique dans le traitement d’une condition spécifique. Une telle recherche est alors « complète », car elle s’attarde sur le système médical entier ou sur l’approche de traitement complet et à part entière plutôt que de s’attarder sur un résultat après effet d’agents isolés.(6) Ce type de recherche complète est plus générale, c’est-à-dire qu’il nous offre plus d’informations sur l’emploi de la médecine naturopathique dans la vie courante. Elle examine les traitements tels que typiquement administrés (ensemble) dans le contexte du lien entre le médecin et le patient et nous offre une meilleure évaluation de coûts associés. Ce type de recherche est un champ excitant pour la médecine naturopathique.

La santé mentale, la douleur chronique et les maladies cardiovasculaires composent les trois catégories importantes de conditions de la santé chroniques que l’on reconnaît à ce jour mal gérées par des stratégies conventionnelles et qui pèsent de façon significative sur les ressources de notre système de la santé. Nous examinerons donc le rôle de la médecine naturopathique dans ces catégories.

Santé mentale

Les troubles de l’humeur comme l’anxiété et la dépression affectent une grande partie de la population canadienne. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), jusqu’à 20% des Canadiens souffrent d’une maladie mentale, incluant jusqu’à 8% d’individus qui seront affectés par la dépression à un moment de leur vie et jusqu’à 5% qui soufriront d’anxiété.(7) On pourrait avancer qu’un pourcentage plus important d’individus souffre d’anxiété, mais que plusieurs en sont simplement insouciants ou demeurent sans diagnostic. Les coûts associés aux maladies mentales incluent la réduction de la qualité de la vie, une perte de productivité et les coûts liés au système de la santé. Ces derniers sont estimés à 10 milliards de dollars.(7) De plus, certaines inquiétudes ont surgi par rapport à l’innocuité et l’efficacité des approches pharmaceutiques courantes dans certains cas, comme chez les patients souffrant de dépression légère ou modérée.(8)

La recherche démontre que l’usage de la médecine naturopathique peut réduire l’anxiété de façon significative et peut améliorer l’humeur.(9,10) Lors d’un essai aléatoire contrôlé, Cooley et autres ont offert aux 81 patients souffrant d’anxiété depuis au moins lessix dernières semaines soit des soins naturopathiques ou une intervention de psychothérapie standardisée pendant 12 semaines.(9) Les patients du groupe naturopathique ont reçu des conseils portant sur leur régime alimentaire, des techniques de relaxation par respiration profonde, un comprimé multivitaminé et une herbe médicamenteuse, l’ashwagandha (Withania somnifera), à posologie de 300mg deux fois par jour, standardisée à 1.5% de withanolides. Le groupe d’intervention psychothérapeutique a obtenu des traitements de psychothérapie, les mêmes exercices de relaxation par respiration profonde et un placebo. Suite à huit semaines, les patients des deux groupes ont observé des améliorations significatives dans leur niveau d’anxiété, tel que mesuré par l’index de l’anxiété de Beck. Les résultats ainsi obtenus ont affiché une baisse de 56,5% dans le groupe des soins naturopathiques et de 30,5% dans le groupe de psychothérapie. Le groupe des soins naturopathiques a également indiqué une plus importante amélioration de la concentration, de la fatigue, du fonctionnement social, de la vitalité et de la qualité de vie en général. Cette étude démontre qu’autant les soins naturopathiques que la psychothérapie soulagent l’anxiété, cependant les soins naturopathiques peuvent entrainer une amélioration plus importante. Les soins naturopathiques peuvent également être liés à d’autres points mesurables relatifs à la qualité de la vie.

Une autre étude évaluait l’impact des soins naturopathiques sur l’humeur et sur la qualité de la vie des patients souffrant du diabète.(10) Quarante patients atteints du diabète de type 2 ont été sélectionnés afin de recevoir une assistance naturopathique complémentaire à leur traitement standard, et ce, pendant une année. Les soins naturopathiques se composaient des consultations portant sur l’alimentation et le mode de vie ainsi que de l’usage de certains suppléments nutritifs. De surcroit des bienfaits relatifs au diabète, les patients ayant reçu des soins naturopathiques ont observé des améliorations significatives dans leur comportement envers leurs propres soins, leur motivation, ainsi que leur humeur, comparativement aux patients qui n’ont reçu que des soins standards.

Cette étude souligne la vocation holistique de la médecine naturopathique : alors que le diabète fut la condition explorée, l’emploi des soins naturopathiques a entrainé une santé améliorée dans d’autres aspects sans lien apparent à la maladie comme la santé mentale.

La douleur chronique

Un second champ d’application pour la médecine naturopathique est la gestion de la douleur chronique. Ceci inclut la douleur due à l’arthrite, aux lésions au niveau des articulations, à l’arthrite auto-immune, ainsi qu’à la migraine chronique et la fibromyalgie. Selon la Société canadienne de la douleur, un Canadiens sur cinq souffre de douleurs chroniques.(11) La SCD indique également que « la douleur est la raison la plus commune derrière la consultation des soins de santé et est responsable jusqu’à 78% des visites aux salles d’urgence ».(11) Du point de vue économique, le coût annuel de la douleur chronique au Canada est estimé autour de 60 milliards de dollars. Certes, il s’agit bien d’un champ où la gestion existante n’est pas optimisée.

Plusieurs études démontrent l’efficacité de la médecine naturopathique dans la gestion des conditions de douleur chronique, incluant les maux du bas du dos, la tendinite de la coiffe des rotateurs et les troubles de l’articulation temporomendibulaire (ATM).(12,13, 14)

Deux études effectuées par Szczurko et autres au Canadian College of Naturopathic Medicine évaluaient l’efficacité des soins naturopathiques complets dans le traitement de la douleur du bas du dos et de la tendinite de la coiffe des rotateurs.(12,14) Lors de la première étude, un ensemble de 85 patients atteints de la tendinite de la coiffe des rotateurs a été assigné de façon aléatoire à recevoir soit des soins naturopathiques soit des exercices physiques standardisés pendant 12 semaines. On a offert au groupe des soins naturopathiques des conseils portant sur l’alimentation, un traitement d’acupuncture et un enzyme digestif appelé Phlogenzym à occurrence de deux cachets trois fois par jour. Le groupe de l’exercice physique a reçu des exercices passifs, assistés et actifs avec amplitude de mouvement, ainsi qu’un placebo. À la fin des 12 semaines, les résultats obtenus par l’index SPADI (« Shoulder Pain and Disability Index ») mesurant la douleur au niveau des épaules, avaient diminué de façon significative dans les deux groupes, au taux de 54,5% dans le groupe des soins naturopathiques et de 18% dans le groupe d’exercice physique. Des améliorations significatives de l’échelle analogique visuelle de la douleur, de la qualité de la vie ainsi que de l’amplitude de l’extension de l’épaule, de la flexion et d’abduction ont été remarquées, avec plus d’importance observée dans le groupe des soins naturopathiques.

Dans une étude secondaire portant sur les douleurs du bas du dos, un ensemble de 75 patients souffrant des douleurs du bas du dos a été assigné de façon aléatoire à recevoir des soins naturopathiques ou un traitement d’exercices standardisés de physiothérapie pendant une période de 12 semaines.(14) Le groupe des soins naturopathiques a obtenu des conseils portant sur le régime alimentaire, des techniques de relaxation par respiration profonde ainsi que l’acupuncture, pendant que le groupe de contrôle a reçu un enseignement et des instructions sur les exercices de physiothérapie par le biais d’un livret éducatif licencié. Au terme des 12 semaines, le groupe des soins naturopathiques a observé significativement moins de douleur du bas du dos telle que mesurée par le questionnaire Oswestry. Le groupe des soins naturopathiques a également observé une amélioration significative au niveau de la qualité de la vie. Des résultats secondaires, incluant la flexion de la colonne vertébrale, la perte du poids et l’indice de masse corporelle (IMC) se sont également améliorés dans le groupe des soins naturopathiques.

Finalement, une troisième étude par Ritenbaugh et autres évaluait les soins naturopathiques dans le traitement des troubles temporomendibulaires (ATM) qui contribuent aux douleurs de la mâchoire et aux migraines.(13) Un ensemble de 160 patients a été assigné de façon aléatoire à un des trois groupes de traitement : les soins naturopathiques, la médecine traditionnelle chinoise ou les soins standards administrés dans une clinique spécialisée dans le traitement les ATM, soit l’endroit où cette étude a eu lieu. Ces soins standards consistaient en des dispositifs anti-morsures et en des consultations portant sur les soins de soi par les dentistes spécialisés dans l’ATM. La médecine traditionnelle chinoise utilisée consistait en l’acupuncture. Les soins naturopathiques étaient composés des techniques de réduction du stress, des conseils nutritionnels et de l’usage des suppléments et d’herbes. À la fin du traitement, ainsi que des trois mois suivant le traitement, autant la médecine chinoise que les soins naturopathiques ont démontré des réductions significativement plus importantes dans les « pires douleurs au niveau du visage » comparativement aux soins standards. Les soins naturopathiques ont également entrainé une réduction dans les résultats sur l’interférence psychosociale issue de l’ATM.

Ensemble, ces études démontrent que les soins naturopathiques peuvent résulter en une gestion améliorée de la douleur chronique liée à une panoplie des conditions.

Les maladies cardiovasculaires

Finalement, un champ important d’usage potentiel de la médecine naturopathique est la prévention et la gestion des maladies cardiovasculaires. Les maladies cardiovasculaires sont la deuxième plus importante raison de la mortalité au Canada après le cancer.(15)

Plusieurs facteurs ont été associés au risque augmenté des maladies cardiovasculaires, incluant les taux du cholestérol, de la tension artérielle et du glucose sanguin élevés ainsi que l’obésité. Lorsque trois ou plus de ces facteurs sont présents aux taux moyennement surélevés, on appelle cette combinaison le « syndrome métabolique ».(16) Le syndrome métabolique affecte environ 25% de Canadiens et fait l’objet de plus en plus d’intérêt par rapport à l’implémentation des stratégies de prévention du développement des maladies cardiovasculaires. Les patients souffrant du diabète sont également plus à risque des maladies cardiovasculaires, incluant les crises cardiaques, les accidents cérébraux vasculaires et les maladies des petits vaisseaux qui affectent les organes comme les reins, les yeux et les extrémités. Ces deux groupes de patients font des candidats idéaux pour les soins naturopathiques supplémentaires afin de réduire les risques de maladie à long terme. Quelques études ont évalué le rôle de la médecine naturopathique dans la gestion des risques des maladies cardiovasculaires chez ces patients. (10,17)

Lors d’un essai aléatoire contrôlé effectué par Seely et autres, un ensemble de 246 patients à risque plus élevé de maladies cardiovasculaires tel qu’indiqué par leur taux de cholestérol ont été assignés de façon aléatoire à recevoir des soins naturopathiques supplémentaires pendant une période de 12 mois en plus des soins standards procurés par leur médecin de famille, ou à recevoir les soins standards seulement.(17) Les soins naturopathiques se composaient de conseils portant sur la promotion de la santé, de conseils à propos du régime alimentaire et de suppléments alimentaires ou à base d’herbes. Au terme de la période d’un an, les patients du groupe naturopathique avaient une évaluation des risques cardiovasculaires (sur une période de 10 ans) réduite de façon significative comparativement aux patients de contrôle. Considérablement moins de patients ayant obtenu les soins naturopathiques avaient le syndrome métabolique un an plus tard, comparativement aux soins standards.

Une deuxième étude effectuée par Bradley et autres, décrite brièvement ci-haut, examinait la médecine naturopathique en relation avec la gestion du diabète du type 2.(10) Un ensemble de 40 patients au diabète mal contrôlé ont été sélectionnés à recevoir un traitement naturopathique complémentaire à leurs soins standards pendant une période d’un an. Les soins naturopathiques étaient composés des conseils portant sur l’alimentation, des recommandations d’exercices, des techniques de réduction du stress et de certains suppléments nutritionnels. À la fin de l’année, ceux ayant reçus des soins naturopathiques ont démontré des taux améliorés de glucose sanguin tel qu’indiqués par la réduction des taux du HbA1C, ainsi que des améliorations en matière de promotion de la santé par la pratique de l’exercice et une motivation relative à un changement du style de vie.

Ensemble, ces études démontrent que la gamme complète des soins naturopathiques en complément aux soins standards résulte en des améliorations du risque cardiovasculaire à long terme, de la prévalence du syndrome métabolique, du contrôle du glucose sanguin ainsi qu’en implémentation des comportements qui ont pour but la promotion de la santé. Dans son ensemble, notre analyse de la recherche portant sur la médecine naturopathique existante démontre qu’un usage plus commun de la médecine naturopathique pourrait aider à combler certaines lacunes dans notre système de la santé et à améliorer la gestion de plusieurs conditions chroniques de la santé, lorsqu’employée en complément aux soins standards.